L’oeuvre de la semaine: L’homme au chien

© Saturday-s Boy. C de l'artiste.
Guy Gilsoul Journaliste

Au loin coule la Tamise. Au loin, l’opulente City, inaccessible. La scène l’ignore.

Elle se passe là où a toujours vécu Ray Richardson (°1964), à l’ombre des anciens chantiers navals de Woolwich, là, au sud de la mégapole où il a grandi. Au coeur des HLM où l’on cause Cockney. Là où pour survivre, il faut être un dur, solide sur ses jambes et toujours prêt à en découdre. Lorsque l’artiste, par ailleurs jouer de foot à Tottenham annonce à son père, sa décision de devenir peintre, celui-ci lui répond : « peintre en bâtiment ? ».

Et le voilà collègue d’un certain Damien Hirst à la célèbre St Martin’s School dont il sort avec une certitude : « je ne peins que ce que je connais » : le monde ouvrier, les rencontres de dealers, les bagarres, la rue, les quais, les murs usés, la vie de la débrouille avec ses moments de solitude et ses rires d’enfants.

Au passage imbibé par la musique Rythm and Blues du label Motown autant que par les films de gangsters façon Scorcese, Richardson s’abreuve aussi aux oeuvres du passé qu’il analyse lors de ses visites à la National Gallery. Caravage, Titien, Uccello, Holbein, Goya ou encore Goerge Bellows. Son jeu : inventer des histoires et les mettre en scène en plans larges avec, au bon endroit, des coupures qui interrompent le récit en pointant l’intrigue.

Qui est le personnage aux lunettes noires qui, en ce jour de samedi de congé, nous fait face au second plan ? Que cherche sinon l’évidence d’une journée comme les autres, la petite fille au skate et cet autre enfant, à demi coupé par le cadre ? Au premier plan, quel rôle joue ce bull terrier anglais qui n’est sans évoquer les combats de chien auxquels sa race fut longtemps associée ?

Ne cherchez pas : c’est l’ami le plus proche, le plus fidèle et le plus doux du peintre, celui que ce dernier considère comme son alter ego. A lui donc l’honneur du premier plan et de l’imperturbable présence. Du premier rôle. Il nous fixe regardant une scène dont nous serons étrangers. Tout s’est figé comme dans les tableaux d’Edward Hopper sauf le ballon (mais est-ce vraiment un ballon ?) qui devient l’intrus, le détail qui fait grincer l’ensemble. Un oeil.

Bruxelles, Galerie Zedes. 36 rue Paul Lauters (1050). Jusqu’au 27 avril. Du mercredi au vendredi de 12h à 18h. Samedi de 14h à 18h. www.zedes.art.gallery.be

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