L’oeuvre de la semaine : Complexité et harmonie, par Frank Stella

Guy Gilsoul Journaliste

Frank Stella est un des géants de l’art américain. A 80 ans, il persiste et signe avec éclat une suite d’oeuvres réalisées entre 1985 et 1997 et inspirées par le roman d’Herman Melville, Moby Dick.

L’approche des peintures de cette série dont l’incroyable complexité fascine, peut prendre appui sur deux références. En premier lieu, le parcours lui-même, rigoureux et logique d’un peintre formé à la seule pratique de l’abstraction. Or, en ces années 50, celle-ci joue la carte de l’expressionisme.

Frank Stella, Moby Dick CTP II, 1989.
Frank Stella, Moby Dick CTP II, 1989.

© Collection de l’artiste et galerie Keitelman Brussels.

Pourtant, dès 1959, encouragé par son intérêt pour les recherches du Bauhaus et par l’architecture minimale de Richard Meier et Philip Johnson, il opte pour son exact contraire. Ce sont alors des toiles dont la structure en bandes fines (le fond laissé blanc) se développe à partir d’un centre vers les bords même du support. Bientôt, ces structures vont déterminer la forme du « cadre (en U, en T ou en N). On le devine, du simple, le peintre va développer une dynamique qui, au fil des ans, va gagner la complexité. Les surfaces deviennent polygonales, les couleurs vives se multiplient et bientôt, le collage apparait et avec lui le relief.

De là, à imaginer véritables sculpture métalliques envahissant de manière souvent monumentale l’espace, il n’y avait qu’un pas, franchi dans les années 1970. La seconde manière d’envisager les pièces présentées aujourd’hui à Bruxelles, est d’évoquer une autre série du peintre, cette fois inspirée par les Sonates du claveciniste napolitain du XVIIIe siècle, Domenico Scarlatti. Ces pièces musicales extrêmement virtuoses usent en effet de procédures dont on trouve les équivalents dans les oeuvres de Frank Stella. A savoir, la multiplication des dissonances, des modulations, des ruptures rythmiques et des contrastes mélodiques. Le tout, au service non pas d’un sujet (l’introspection expressionniste par exemple) mais d’un seul objet : la peinture. Un objectif déclaré au début de sa carrière par cette déclaration : « Ce que vous voyez est ce que vous voyez ».

Galerie Keitelman, 44 rue Van Eyck à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 26 novembre. Du mardi au samedi de 12h à 18h. www.keitelmangallery.com

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