Critiques théâtre: pauvres de nous

© Olivier Laval
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

La compagnie Art & Tça secoue nos préjugés sur ceux que les médias ne mettent en général en évidence que lorsque l’un d’eux meurt de froid dans nos rues. Combat de pauvres: à mettre devant tous les yeux.

Une des fonctions du théâtre, une de ses missions, est de placer dans la lumière ce qu’on ne voit pas (ou plus) et de donner une voix à ceux qu’on n’entend pas (ou plus). Fidèle à ce principe, la compagnie Art & Tça (Grève 60, Nourrir l’humanité c’est un métier) poursuit dans sa veine documentaire pour braquer les projecteurs sur ceux que beaucoup aimeraient rendre invisibles: les pauvres.

Dans une suite de tableaux où alternent énumérations de chiffres et de faits -avec des statistiques effrayantes, comme les taux de pauvreté comparés en Flandre, Belgique, Région wallonne et Région Bruxelles-Capitale, 33% pour cette dernière, plus encore qu’en Roumanie et en Bulgarie-, incarnations des témoins dont la compagnie a recueilli la parole, extraits sonores et vidéo (« nous n’avons pas de misère en France », dixit Patrick Balkany), sont pointées les cruelles absurdités d’un système où une fois qu’on est tombé, il est vraiment, mais alors vraiment, difficile de se relever.

« On calcule tout le temps dans notre tête », « ça se répand sur toute ta vie », « tu as l’impression que tu n’as rien à offrir »: les mots de cette mère, livrés verbatim, accent liégeois compris, par Charles Culot, remuent les tripes, laissent voir que la misère est loin de se cantonner à l’aspect financier et que le sentiment de culpabilité peut peser lourd dans la besace de ceux qui n’ont presque plus rien.

« Regardez-moi autrement »: tel est le message vidéo que souhaite passer au public Jean-Claude, SDF décédé dans la rue en mars dernier. Il est certain que le regard change, suite à ce Combat de pauvres au final élargissant (un peu trop sans doute) le propos au monde, mais dont l’envolée finale, lyrique et sincère, finit de mettre tout le monde d’accord.

On signalera que chaque représentation de la série est suivie directement par un débat avec un intervenant extérieur.

Combat de pauvres: jusqu’au 17 novembre à l’Atelier 210 à Bruxelles, le 7 décembre au Centre culturel de Jette, le 29 janvier à Bozar à Bruxelles, le 30 janvier au Centre culturel de Dison, les 26 et 27 février à la Maison de la culture de Tournai.

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