Critique théâtre: tout au bout de l’arbre généalogique
Dans ce LUCA créé à Charleroi, Hervé Guerrisi et Grégory Carnoli entremêlent génétique, préhistoire, récits de famille et voyage en Italie pour transmettre un message de tolérance à l’heure des nouveaux flux migratoires. À mettre sous tous les yeux.
Avec ses deux compères s’adressant directement au public devant un grand écran vidéo régulièrement utilisé, LUCA se range dans la catégorie de ces spectacles si pas éducatifs du moins édifiants, hybrides entre théâtre et conférence, au même titre que La Convivialité (sur l’orthographe) et Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon? (sur le virtuel s’infiltrant dans les stratégies de guerre). Et LUCA tient bien la comparaison avec ses deux prédécesseurs, mélangeant comme eux humour et érudition rendant compte d’une recherche sur un sujet qui les touche personnellement.
Le duo, ici, se compose d’Hervé Guerrisi et Grégory Carnoli, acteurs issus tous deux de l’immigration italienne et frappés, lors d’une discussion avec un ancien mineur de Farciennes après une représentation de Cincali (seul en scène de Guerrisi sur ses racines), par le discours de ce dernier au sujet des vagues actuelles de migrants -« Non, non, ce n’est pas la même histoire. Nous, on est venus pour travailler; eux, ils viennent pour profiter »- mais aussi par cette question sans cesse répétée à ceux dont le visage, la couleur de peau, l’accent ou le nom de famille ne font pas couleur locale: « tu viens d’où? »
D’où viennent-ils? D’où venons-nous? Guerrisi et Carnoli ont décidé de mener l’enquête. Ce qui les a conduits à interroger leur famille et Internet sur leur arbre généalogique, à rouler jusqu’en Italie et à passer un test ADN. Au fil du récit de leur quête personnelle, on apprend ce que sont la numérotation de Sosa-Stradonitz et le « dernier ancêtre commun universel » (ou « Last Universal Common Ancestor », qui donne son titre au spectacle), comment communiquaient les hommes de Néandertal et, sur base d’un calcul relativement simple, que les Européens sont tous des cousins. Et on revisite au passage les paroles de Gente di mare d’Umberto Tozzi et Raf.
Très souvent drôle, utilisant intelligemment l’outil vidéo (notamment en contre-plongée totale), ce LUCA émeut par sa sincérité et la joyeuse complicité de ses auteurs-interprètes. Son message de tolérance, en butte au racisme ordinaire provenant même de ceux qui ont fait autrefois un voyage quasi identique, se résume au final dans une danse où notre cellule commune se fait métaphore de la nécessité du vivre ensemble. Beau beau beau.
LUCA: jusqu’au 1er mars au Théâtre de l’Ancre à Charleroi et du 21 au 30 mars au Théâtre national à Bruxelles.
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