Critique théâtre: L’acteur, cet imposteur

Achille Ridolfi © PG
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Achille Ridolfi s’impose seul en scène en tyran-prof de théâtre. Une charge caustique, mais aussi une déclaration d’amour à un métier où le mensonge est la loi.

D’un index presque accusateur, il pointe un homme dans le public. « Toi… tu as un physique! » Puis, aussi catégorique, il désigne une femme, juste à côté: « Toi… tu n’en as pas. » Bienvenue dans la classe d’acteurs de Monsieur Bart, gourou accumulant cruauté, génie et ridicule, avec son veston rehaussé de paillettes et de franges, ses autocommentaires et ses expressions faciales affectées. Les spectateurs seront ses élèves plus ou moins consentants le temps d’Anti-héros, le premier seul en scène d’Achille Ridolfi.

« Moi aussi j’ai été médiocre, comme toi. » Les phrases assassines se succèdent et on sent, au-delà de l’exagération comique, poindre le fond de vérité dans ces petites humiliations que doivent subir au quotidien les jeunes comédiens, pendant leur période de formation ou dans ces épreuves impitoyables que sont les castings. En particulier quand, comme Achille Ridolfi, on n’a pas un physique qui rentre tout à fait dans les canons.

On sent les côtés sombres, mais aussi l’étincelle qui pousse malgré tout à ne pas lâcher, inspiré par ses idoles. Notamment Sophie Marceau, à qui il sera rendu ici hommage à plusieurs reprises, en live ou à travers la vidéo, mais aussi Bernard Fradet, habitué des petits rôles quasi invisibles, salué en l’occurrence pour sa prestation de pompiste face à Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg. Ridolfi décoche aussi un clin d’oeil à cette comédienne-née, quoi que non-professionnelle, qu’a été Rosie Ruiz, athlète bidon qui n’hésita pas à prendre le métro pour venir à bout du marathon de New York, avant de faire encore plus fort à celui de Boston.

Comme souvent au Théâtre de la Toison d’Or, ça chante et ça danse, mais ici jamais comme on s’y attendait. Achille Ridolfi, comédien aguerri mais nouveau-venu dans ce temple bruxellois de la comédie, prend tout le monde à contre-pied, affirmant ses goûts et sa personnalité, avant d’asséner, citant Yourcenar: « Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes ». Marguerite a toujours raison.

Anti-héros: jusqu’au 17 novembre au Théâtre de la Toison d’Or à Bruxelles, www.ttotheatre.com

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