Critique scènes: soirée composée entre Tanneurs et Brigittines
Glitch, de Desmetri & Lefeuvre, et Dress Code, de Julien Carlier, composaient une soirée danse intense dans le cadre du festival TB2.
Ça faisait longtemps qu’on aurait dû les voir, ces deux-là. On a vérifié dans l’agenda 2020: c’est exactement le 13 mars, à l’aube du premier confinement, que nous avions prévu de voir Glitch, de Desmetri & Lefeuvre, alors que Dress Code, de Julien Carlier, devait voir le jour en novembre. Le Covid a bouleversé le calendrier et forcé à prendre patience. Mais celle-ci a été récompensée à la faveur du festival TB2, réunissant le Théâtre Les Tanneurs et les Brigittines pour des soirées composées passant d’une institution à l’autre au coeur des Marolles.
Danse de bugs
On voit régulièrement défiler des images de nouveaux androïdes, de plus en plus élaborés, capables d’imiter au plus près les mouvements, voire les expressions faciales humaines. Le duo formé par Florencia Demestri et Samuel Lefeuvre propose dans Glitch la performance inverse, avec une chorégraphie où les humains s’assimilent à la machine, trahissant leur nature artificielle par les bugs qui parsèment leurs mouvements et leurs attitudes. Tressautements intempestifs, saccades, retours en arrière, répétitions involontaires, accélérations et ralentissements perturbent le tableau initialement idyllique d’un couple encapuché prenant du bon temps sur un carré de plage.
Le style « robot », couvrant un pan des danses hip-hop, s’est fait une spécialité de travailler sur les isolations et les arrêts brusques de mouvements pour créer l’illusion de l’homme-machine. Florencia Demestri et Samuel Lefeuvre portent cet art du trompe-l’oeil à son paroxysme, au fil d’une performance physique -y compris dans le visage- tout à fait bluffante. Pulsé par la création sonore de Raphaëlle Latini, et la création lumière de Nicolas Olivier achevant la déconstruction du faux réel dans un décor qui se recroqueville sur lui-même, Glitch envoie en filigrane une fléchette au coeur de nos vies dématérialisées. Que la pandémie, en nous isolant les uns des autres, aura contribué à pixelliser davantage encore.
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L’invisible du break
Aux Tanneurs, Fabio Amato, Nouri El-Mazoughi, Audrey Lambert, Benoît Nieto Duran et Jules Rozenwajn, les cinq danseurs de Dress Code, attendent dans l’ombre. Julien Carlier, chorégraphe résident de Charleroi Danse, les a conviés à exposer ce qui d’habitude ne se donne pas au public dans leur discipline, le break dance, ce qui n se montre pas pour laisser toute la place à la virtuosité: les échauffements et étirements des différentes parties du corps, la répétition inlassable du mouvement ou de la figure, depuis la maladresse et l’échec jusqu’à la maîtrise, l’effort, la sueur, l’épuisement…
Tout cela donné dans un silence initial, seulement perturbé par de légers chants d’oiseaux et le chuintement caractéristique des baskets sur le sol. Un parti pris qui peut déconcerter, mais qui est géré en finesse, la sauce montant petit à petit et la musique s’installant peu à peu, jusqu’à l’arrivée dans les enceintes de Puff the Magic Dragon de Peter Paul & Mary pour un final où il ne reste plus que la joie de la performance et le plaisir de se mesurer les uns aux autres.
On retiendra aussi cette séquence où chacun s’avance devant le public pour présenter une partie de son corps -traces de blessures? siège de douleurs particulières à force d’exercice?- dans une sorte de version danse urbaine de l’ouverture du Kontakthof de Pina Bausch. Où l’on vire toute l’esbroufe pour créer un autre lien avec celui qui regarde.
Prochaines dates de Dress Code: les 24 et 25 juin aux Ecuries à Charleroi, le 5 février au Centre culturel Jacques Franck à Bruxelles, le 10 février à Liège dans le cadre du festival Pays de danses.
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