Critique scènes: Sacrifices à Cardiff

Iphigénie à Splott: Jusqu'au 2 octobre au Théâtre de Poche à Bruxelles © Debby Termonia
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Gwendoline Gauthier déchire tout dans la peau d’une jeune fille paumée de la Grande-Bretagne sinistrée. Iphigénie à Splott, de Gary Owen, ici mis en scène par Georges Lini, est un monologue soufflant, une imparable tragédie d’aujourd’hui.

Tout est dans le titre. Iphigénie à Splott, c’est l’histoire d’une jeune fille sacrifiée. Sauf que le théâtre de la tragédie n’est pas ici un port béotien de l’Antiquité, mais un quartier de Cardiff, capitale du Pays de Galles en bord de mer, aujourd’hui. De guerre et de soldats il sera aussi question (rappelez-vous : Iphigénie est la fille d’Agamemnon, qui dirigea la flotte grecque en route pour la guerre de Troie), mais à Splott, ce ne sont pas les dieux qui exigent les sacrifices, plutôt les gouvernements qui ont imposé des coupes budgétaires dans les services publics, appliquant les logiques capitalistes de rentabilité là où elles ne devraient jamais être appliquées. Et la pièce a été écrite avant le Covid et les béances que la pandémie a révélées.

Tout cela se concentre sur les épaules d’Effie. Jeune fille apparemment sans parents, sans job, vivant aux crochets de sa grand-mère, adepte de la picole et reine de la provocation, aussi bien dans la rue en survêt face à tous ceux qui oseraient la regarder de travers, que dans les bars, en tenue bien échancrée et push up bra, face à tous ceux qui lui taperaient dans l’oeil, quoi qu’en dise son blaireau de mec, Kevin.

Iphigénie à Splott: Jusqu'au 2 octobre au Théâtre de Poche à Bruxelles
Iphigénie à Splott: Jusqu’au 2 octobre au Théâtre de Poche à Bruxelles© Debby Termonia

Construit sur une suite de rebondissements dignes d’une série télé addictive et écrit dans une langue hyperréaliste à l’humour acide, Iphigénie à Splott est porté dans cette mise en scène de l’infatigable Georges Lini par Gwendoline Gauthier, qui assure dans tous les registres de ce monologue-montagne russe. Un monologue, mais pas vraiment un seul en scène puisqu’elle est accompagnée, dans ce décor sobre où un Chesterfield est simplement encadré par un filet de leds, par trois musiciens. Couvant l’héroïne du regard et parfois confidents, François Sauveur, Pierre Constant et Julien Lemonnier distillent en live une bande-son post-rock bien balancée. Percus frappées sur les coups du sort, violon languissant quand l’amour survient, beat électro pour rebondir: un cocon musical idoine pour parvenir au bout du chemin de croix. Un must.

Iphigénie à Splott: Jusqu’au 2 octobre au Théâtre de Poche à Bruxelles, www.poche.be

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