Critique scènes: Le point de vue du muzungu

© Alice Piemme/AML
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Sous l’oeil critique d’Edson Anibal, Vincent Marganne revient sur ses souvenirs d’enfant blanc né en Afrique et ayant vécu de près, sans trop comprendre alors de quoi il s’agissait, le premier génocide au Burundi. Un spectacle fort et délicat à la fois.

Neuf mois se sont écoulés entre le moment où nous avons rencontré Vincent Marganne et Edson Anibal en répétition pour une interview et celui où nous avons enfin pu les voir sur scène. Le Covid est passé par-là… Heureusement il n’aura pas eu raison de Muzungu (« le Blanc », « l’étranger » en kirundi) car voilà un spectacle sensible qui apporte un point de vue rare sur le passé colonial.

Le point de vue d’un enfant, fils de coopérants (ce « ne sont pas des coloniaux », souligne-t-il) arrivés en 1963 au Burundi tout juste indépendant. Vincent Margane est né en 1965 et, dans le décor de bois dont les fenêtres serviront d’écran pour la projection des films familiaux ayant fait office de déclencheur à l’écriture de la pièce, il va raconter son enfance. Sept premières années passées au milieu d’un Eden de soleil et de liberté. Les baignades dans la piscine du collège où son père enseigne. Les plantes et les animaux. Les boys, que les enfants allaient rejoindre à leur cuisine pour manger avec les mains, sans couverts.

Critique scènes: Le point de vue du muzungu
© Alice Piemme/AML

Il raconte aussi le début du cauchemar, les prémices du génocide de 1972 qui opposa comme au Rwanda Tutsis et Hutus, ces derniers étant systématiquement massacrés; ses méthodes et son déroulement, via le témoignage d’un rescapé exilé, membre de l’équipe de basket entraînée par le père Marganne; et une de ses conséquences, le retour brutal de la famille Marganne en Belgique.

Dans la mise en scène de Serge Demoulin, la présence du jeune acteur belge d’origines guinéenne et angolaise Edson Anibal apporte le contrepoint nécessaire au récit de l’homme blanc sur l’Afrique. Avec des inversions bienvenues, comme lorsque le comédien blanc incarne le boy Pontien, et le comédien noir le père de famille. Prouvant ainsi que, sur scène, la couleur de peau ne constitue objectivement pas un critère pertinent dans l’attribution des rôles. « Aucun muzungu ne peut se soustraire au fait d’être muzungu« , déclare au final Vincent Marganne. Mais au théâtre, oui, on peut s’y soustraire. Car au théâtre, tout est possible.

Muzungu: Jusqu’au 12 juin au Rideau de Bruxelles, www.rideaudebruxelles.be; le 7 juillet au festival VTS à Stavelot, www.festival-vts.net

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