Critique scènes : être ou ne plus être, telle est la question

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Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Pour sa toute première création, le Collectifs Animals réécrit la scène des fossoyeurs d’Hamlet à l’ère post-effondrement. A voir au Varia puis à l’Ancre, Le Bousier est une fable où s’invite aussi Kafka, car une métamorphose est nécessaire.

Au sol, il y a des corps entassés, emballés dans des couvertures grises, et des pelles et des casques alignés. Derrière, il y a un petit promontoire du haut duquel seront jetés les cadavres. Il y a eu des morts, beaucoup de morts. Les trois vivants qui nous seront donnés à voir sont leurs fossoyeurs, deux hommes menés par une femme. Mais avant que l’histoire ne commence, les trois comédiens -Cyril Briant, Laurent Caron, Coralie Vanderlinden- prennent la parole à l’avant-scène pour un bref préambule. Ce qui va suivre est « un truc pour se faire peur », une fable « pour dans longtemps – ou pour aujourd’hui », « la fin du monde », ou juste « la fin de l’humain », « la suite d’un lent et long effondrement ».

Comme Dimanche des compagnies Focus et Chaliwaté, comme Sabordage du Collectif Mensuel ou encore comme Maison Renard d’Alexandre Dewez, Le Bousier est un spectacle marqué par la collapsologie. Inspiré par un travail d’improvisations au plateau, empruntant à l’humour du désespoir, l’auteur Thomas Depryck imagine un futur plus ou moins proche où il ne reste plus sur une planète aride que quelques survivants mal en point. L’un parle dans un casque à sa propre bite, l’autre a toujours faim et le troisième a les dents qui se déchaussent et parle avec les morts. « Ce serait quoi ? » « Ce serait la merde ! » Mais de cette merde, un petit animal parvient à tirer quelque chose de bon : un bousier, insecte coprophage qui façonne sa boulette d’excréments et la déplace jusqu’à son terrier. Ce scarabée, symbole de transformation et de renaissance dans la mythologie égyptienne, sera la lueur dans les ténèbres des trois fossoyeurs. Mais aussi la cause de leur perte définitive.

Très original dans son sujet et dans son ton, Le Bousier mise aussi, avec la chorégraphe Nicole Mossoux apportant sa touche à la mise en scène de Sébastien Chollet, sur un jeu non-réaliste qui peut agacer -cette emphase de tous les instants chez la fossoyeuse en chef- mais auquel on finit par s’habituer pour entrer pleinement dans ce conte en forme de mise en garde, au final saisissant. Il faut changer. Dès maintenant !

Le Bousier : jusqu’au 15 février au Théatre Varia à Bruxelles, du 18 au 21 février au Théâtre de l’Ancre.

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