Critique scènes: Danse des ténèbres

© Julien Lambert
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Transformant une contrainte en force, Nicole Mossoux et Patrick Bonté jouent habilement sur l’esthétique du couloir pour faire surgir nos cauchemars dans Les Arrière-Mondes, créé aux Tanneurs.

Beaucoup d’artistes ont dû se montrer inventifs pour continuer à créer ces derniers mois. Le duo de chorégraphes Mossoux-Bonté a lui été forcé de « réinventer » (comme dirait l’autre) son dispositif scénique pour pouvoir travailler sur Les Arrière-Mondes avec son équipe de six danseurs: six couloirs de rideaux où chacun évolue en parallèle, dans le respect de la distanciation sociale.

C’est de profondes ténèbres qu’ils apparaissent, chacun évoluant dans son périmètre oblong, les visages d’abord dans l’ombre, et dévoilant progressivement des figures grotesques, comme sorties du Portement de Croix attribué à Jérôme Bosch ou des portraits de Quentin Metsys. Au fil des incessants allers-retours, ils se défont de leurs atours pour revenir, toutes et tous, chauves et vêtus d’une nuisette d’un blanc sale. Ce n’est plus la Renaissance qui est alors convoquée, mais les fantômes plus récents de malades enfermés en psychiatrie. Et les arrière-mondes du titre quittent leur signification d’au-delà ou de monde parallèle pour devenir intérieurs, suggérant notre part de folie en sommeil.

Critique scènes: Danse des ténèbres
© Julien Lambert

Le thème du double, récurrent chez le duo, est ici bien présent, à travers l’utilisation de masques et d’illusions troublantes (ces deux femmes dont on sait pertinemment qu’elles sont deux et qui pourtant deviennent une, arachnéenne). Et des jumeaux en culotte courte de faire écho aux effrayantes jumelles des couloirs de l’hôtel Overlook dans le Shining de Kubrick. Encore la folie qui rôde…

Inquiétantes et sensuelles, les six créatures ni hommes ni femmes se rejoignent dans un final bien calé et envoûtant, évoquant, par son rythme de machine/coeur qui bat et ses basculements de chevelures, une version dérangée de la séquence des chaises dans Rosas Danst Rosas d’ATDK. Avant l’éclair ultime.

Les Arrière-Mondes: jusqu’au 27 juin au Théâtre les Tanneurs à Bruxelles, et du 12 au 14 août en ouverture du Festival international des Brigittines à Bruxelles.

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