Critique scène: Réinventer la roue

© Laura Granelli
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Pendant l’heure de 125 BPM, le duo circassien André Leo exploite toutes les possibilités de la roue Cyr en alternant intensité et légèreté. Et en allant là où on ne l’attend pas. Vraiment balèze.

Deux mecs et une roue Cyr: en général, la formule tient sept, huit minutes, une dizaine à tout casser. Alors prétendre faire le tour de l’horloge sur la grande aiguille juste avec ces ingrédients? Il y avait de quoi être dubitatif. Mais le duo formé par le Flamand Robin Leo et le Français Jean-Baptiste André relève le pari haut la main.

Grand cercle de métal en forme de tube replié sur lui-même, la roue Cyr a été inventée pour servir d’agrès de cirque à la fin des années 90, par Daniel Cyr du Cirque Eloize. Les deux jeunes compères formés à l’ESAC à Bruxelles en utilisent tous les mouvements possibles, à l’horizontale, à la verticale, tournoyant sur elle-même ou basculant de droite à gauche, tenue en équilibre au sol ou en l’air, jouant sur la gravité, sur son poids et sa vitesse, passant à travers, perchés sur elle ou s’y accrochant à la manière de L’Homme de Vitruve de Da Vinci, seul ou ensemble, à l’unisson ou en décalage, le tout avec une précision et une dextérité qui laissent pantois.

Mais la maîtrise technique ne suffit pas pour créer un bon spectacle de cirque. L’intelligence de 125 BPM est de casser le code circassien traditionnel qui veut que le final soit constitué du climax acrobatique. Ce sommet virtuose arrive bien avant, et le final est d’un autre type, un climax poétique, pourtant annoncé par un « roulement de tambour » prenant la forme de deux casques. Cassant les codes, le duo casse aussi le rythme et le ton en prenant des accents clownesques où l’humour naît, comme les mouvements de la roue, du jeu entre équilibre, déséquilibre et rotations. Dans le public, le rire éclate d’un petit regard, d’un temps d’attente, d’une main tendue comme une invitation, du culot, de cheveux lâchés qui s’agitent, de l’utilisation inhabituelle des corps, de la complicité manifeste entre ces deux-là. A voir absolument.

125 BPM: le 16 octobre au Théâtre Marni à Bruxelles, www.theatremarni.com, les 25 et 26 octobre au Theater Op de Markt à Neerpelt, www.theateropdemarkt.be, les 16 et 17 novembre au CCBW à Court-Saint-Etienne (dans le cadre du Festival En l’Air), www.ccbw.be , le 18 mars au Kunstcentrum Nona à Malines, www.nona.be et lors du Festival Up!, du 19 au 29 mars à Bruxelles, www.upfestival.be

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