Courants d’airs, 15e édition: « Ce projet nous a maintenus à l’étrier »
Un an complet de disette pour les arts de la scène qui ont dû s’adapter, se réinventer, réimaginer les concepts pour faire vivre un secteur privé de son public. A l’image du festival estudiantin Courants d’airs, organisé par le conservatoire royal de Bruxelles qui se déroulera du 21 avril au 2 mai.
Né en 2005, le festival Courants d’airs est créé au sein du Conservatoire royal de Bruxelles, par l’asbl Les Spectacles du Conservatoire. À l’origine, initié pour les étudiants du département Théâtre à des fins pédagogiques, le festival est un moment d’ouverture et de mise en situation pour ses participants. Avant la fin de leur cursus, les étudiants peuvent ainsi développer leurs projets en création et les confronter au public. Le festival s’ouvre ensuite aux étudiants musiciens, rassemblant ainsi les deux domaines de l’École supérieure. Dès 2010, le festival développe un partenariat avec le Centre des Arts Scéniques dont la mission est de renforcer l’insertion professionnelle des jeunes comédiens issus des Écoles Supérieures d’Art de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Étudiants et jeunes promus se côtoient alors le temps de la création et du festival, dont les esthétiques plurielles séduisent chaque année de plus en plus de spectateurs. D’édition en édition, les jeunes artistes expérimentent sur scène ou dans des espaces pluriels (Cinéma Palace, Musée Magritte, Parlement bruxellois, PointCulture, Music Village, Grand-Place…).
Pour l’édition 2021, ce sont 23 projets multidisciplinaires qui ont été sélectionnés et seront diffusés sur la chaine YouTube du conservatoire entre le 21 avril et le 2 mai. Une édition 100% numérique portée par la jeunesse des écoles supérieures d’art de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il s’agit pour beaucoup d’étudiants de la concrétisation de plusieurs mois de travail et de créativité foisonnante.
Small Talk, porté par deux actrices du Conservatoire de Bruxelles et une scénographe de l’ENSAV La Cambre, ouvrira les festivités le 21 avril. Un autre texte contemporain, Falsch, interprété par un collectif de 13 étudiants promet un visuel séduisant, sur fond de révélations importantes au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Le 2 mai, le projet d’art lyrique Res Publica nous emmènera doucement vers la clôture du festival aux sons de deux opéras de Mozart revisités Idoménée et La Clémence de Titus. Sont également programmés des créations en rue comme Combadego, créé par de jeunes diplômés d’Arts2 et le spectacle de marionnettes Sous les cailloux le fleuve, conte muet, symphonie d’objets perdus sur fond d’esprit de récup’.
Nous avons posé quelques questions à Constant Vandercam, l’un des treize comédiens de Falsch.
Pas trop stressé à l’idée de refouler les planches après autant de temps? Ça doit être excitant, mais un peu effrayant non?
C’est l’inverse, ce projet on le bosse depuis septembre, ça nous a maintenus à l’étrier. On avait besoin d’un projet auquel se raccrocher, et Courants d’airs nous l’a permis. On n’aura pas de public. La représentation ressemblera un peu à une générale. La captation live aura lieu sur le site du Chêne. C’est un très gros projet, un huis clos, 13 comédiens seront sur le plateau en permanence. Cette diffusion est une chance en réalité, de toucher un public assez large. En général, les programmateurs n’ont pas le loisir de voir toutes les pièces, ils font un choix, une sélection selon leurs affinités. Sous ce format, ils auront le temps de bien analyser chacune des oeuvres, c’est une belle opportunité. On se dit aussi que ce n’est qu’une étape, notre objectif final est évidemment de jouer devant un public.
Ça ressemblait à quoi, concrètement, d’être étudiant dans une filière artistique ces derniers mois? Comment avez-vous fait pour mettre en place, répéter… faire naître une pièce?
Lors du premier confinement, ils ont bien vite compris que ce n’était pas vraiment possible de faire un cursus en distanciel, alors les cours ont simplement été annulés, l’année s’est arrêtée d’un coup et tout le monde est passé à l’année suivante. Pour la rentrée, la ministre a fait une exception pour nous. Là où tout l’enseignement supérieur était en code rouge, on est resté en code orange, c’est-à-dire des bulles de six par classe, on portait tous le masque, on était distanciés les uns des autres et la moitié des cours pratiques ont été annulés. Pour être honnête, ça a été l’occasion pour nous de profiter des trous dans les horaires pour répéter Falsch. On s’est mis sous le statut de bulle professionnelle pour bosser la pièce, à ce moment-là, les représentations n’étaient pas autorisées, mais les répétitions l’étaient.
Ce qui est fou, c’est que pour certains des comédiens, qui sont nos collègues, on n’a pas encore vu leur visage, la faute au masque. Le masque bloque aussi la voix, outil super important dans le théâtre. Lors de l’enregistrement, on le retirera, je suis sûr que ça va nous libérer et qu’il va se passer quelque chose.
D’où vient l’idée de la pièce, tu peux faire un petit pitch?
On était déjà un grand groupe et on voulait bosser ensemble. Il fallait trouver une partition qui collait. Un peu par hasard, j’ai flashé sur une oeuvre de René Kalisky, un auteur belge. En Belgique, les pièces ont une durée de vie, quand l’auteur meurt, la plupart de ses pièces tombent dans l’oubli. C’était le cas pour celle-ci.
La pièce raconte les retrouvailles d’une famille juive 30 ans après la guerre. Imagine une famille qui se déchire, les parents veulent respecter la loi et les décisions tandis que les enfants veulent se battre et créer une petite révolution. La famille a explosé et la pièce parle de cette discussion, qui a lieu 30 ans plus tard. Un genre de cocotte-minute qui ne fait que grimper en intensité pendant toute la durée de la pièce.
Charles Christiaens
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici