MUSIQUE, DANSE, THÉÂTRE, BOUFFE, ART VIDÉO… DU 5 AU 7 FÉVRIER, LE BEURSSCHOUWBURG FÊTERA SON DEMI-SIÈCLE D’EXISTENCE AVEC 50 HEURES DE PROGRAMMATION ININTERROMPUE ET GRATUITE. PORTRAIT D’UN REPAIRE CULTUREL BRUXELLOIS TOUJOURS AUX AVANT-POSTES.

Bruxelles. La rue Auguste Orts. A deux pas de la Grand-Place, de l’Ancienne Belgique, de la Bourse, forcément, et d’Antoine Dansaert, l’un des quartiers de la ville où la présence flamande se fait le plus sentir… C’est là, derrière la façade toute vitrée d’un bâtiment construit en 1885, que bat depuis 50 ans le coeur du Beursschouwburg. Conçus comme une salle des fêtes (la Brasserie flamande) « avec estaminet, salles de billard, dépendances et boutiques« , les lieux sont transformés dès 1947 en salle de spectacle par l’architecte Jacques Cuisinier. De type bonbonnière, le Théâtre de la Bourse peut alors accueillir quelque 400 personnes.

« Dans les années 50, le KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg, ndlr) ravagé par les flammes y avait déjà proposé des spectacles. Mais les débuts officiels du Beurs et l’utilisation du plateau comme théâtre remontent officiellement au 5 février 1965« , raconte l’actuel directeur artistique et général des lieux Tom Bonte. Les lunettes classes, le cheveu fou et le français fluide… A l’époque, des artistes mécontents de ce qu’il se passe au Théâtre royal flamand décident d’occuper l’endroit pour y proposer une autre forme de théâtre. « Une espèce de salon des refusés qui prend le nom de Beursschouwburg. L’acteur Dries Wieme en est le premier directeur. Il met sur pied la Werkgemeenschap. Une espèce de collectif artistique avant la lettre (ça n’existait pas en Flandres à l’époque). Une bande de comédiens qui montent des spectacles ensemble sans metteur en scène pour les diriger. Si nous découvrions aujourd’hui leurs pièces, nous les trouverions peut-être très classiques. N’empêche que pour l’époque, ils s’opposaient à la manière traditionnelle, statique, conformiste et bourgeoise de faire du théâtre.  »

1969, période révolutionnaire s’il en est, marque du côté du Beurs la fin d’une première ère. « Le conseil d’administration a appelé lui-même la police pour dire que ça n’allait plus. Les flics ont même débarqué ici pour interrompre un spectacle et ordonner aux spectateurs de quitter la salle. Il critiquait trop vertement l’Etat et était en rupture avec la pensée de l’époque. »

Durant les années 70, sous l’impulsion de Jari Demeulemeester, qui deviendra plus tard le boss de l’Ancienne Belgique, le Beurs s’ouvre à la musique. « Les Flamands se cherchaient des lieux dans une ville qu’ils considéraient comme un bastion francophone. L’idée était d’installer un théâtre flamand, pour les Flamands avec des spectacles en flamand. Et il a élargi cette philosophie à la musique. Ce qui coïncidait avec les débuts de la Polderpop. Des Bekende Vlamingen comme Raymond van het Groenewoud et Johan Verminnen lançaient leur carrière. Leur oeuvre n’était pas du tout politique. Au contraire de la programmation.  »

Rosas, Tom Waits et U2…

C’est dans les eighties que le Beursschouwburg change sa culture d’épaule pour s’adresser à tous les Bruxellois. Anne Teresa De Keersmaeker, Jan Fabre entre autres y font leurs débuts. « Nous avons par exemple accueilli la première représentation de Rosas. C’était du belge et pointu à vocation internationale. Mais nous programmions aussi des Francophones et des étrangers. Le Beurs cessait alors d’être un théâtre purement flamand. L’atmosphère politique avait changé et cette lutte ne lui semblait plus intéressante. Ce dont je suis particulièrement heureux aujourd’hui.  »

Le jeune Tom Waits (1976) et U2 (1981) ont entre autres foulé ses planches. « Personne ne connaissait encore le groupe de Bono. Au point qu’on avait dû en dernière minute ajouter les punks flamands de De Kreuners à l’affiche pour qu’il y ait du monde dans la salle. »

Dans les années 90, le quartier est négligé. Le centre boudé. Beaucoup de bâtiments sont à l’abandon. Et l’équipe du Beurs saisit à deux mains son bâton d’activiste. « C’est l’époque du squat de l’Hôtel Central auquel notre équipe participe. On fait descendre la culture dans la ville. L’investit pour montrer qu’il est temps de réagir. Une geste politique mais sans lien avec un quelconque parti.  »

Au début des années 2000, le Beurs fait peau neuve et déménage pour cause de rénovation pendant quatre ans. Adepte d’une approche et d’une attitude polymorphes, Bonte y prend les commandes en septembre 2012. « Je ne veux pas que nous nous limitions à une seule discipline. Je ne nous ai d’ailleurs jamais considérés comme un théâtre. Quand tu viens voir un concert chez nous, tu peux parfois tomber dans le hall sur une installation vidéo. Tu n’as pas demandé à la voir mais tu la verras quand même. Et peut-être qu’elle te fascinera.  »

Pour son directeur, le Beurs est avant tout un lieu de rencontres. « Un centre d’art qui brasse un peu d’art et beaucoup d’idées. On a organisé des débats sur l’urbanisme. Mené des discussions sur la mobilité… Je viens du Vooruit où j’ai appris à ne pas cloisonner. Je veux que tout le monde puisse se sentir à l’aise chez nous. 90 % de ce que nous proposons ne souffrent pas d’une barrière linguistique. De manière générale, je pense qu’on a trouvé un équilibre entre ce qu’on veut offrir et ce que les gens demandent.« 

TEXTE Julien Broquet

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