Critique théâtre: Brel, encore et toujours

© Mohamed Nohassi
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le rappeur Mochélan donne sa voix aux textes de Brel, disparu il y a 40 ans, dans ce qui n’est pas un tour de chant. Un Grand Feu généreux.

L’institution fête son anniversaire, depuis plusieurs mois déjà. Le Théâtre de l’Ancre, à Charleroi, est devenu royal. Cinquante années de création qu’est venue souligner un numéro spécial d’Alternatives Théâtrales, comprenant notamment une série de portraits d’artistes liés au lieu. Parmi eux figure Mochélan. Mais si le rappeur aux racines carolos, révélé à l’époque par son ode au Pays noir Notre ville, est sur scène ce soir, c’est pour célébrer un autre anniversaire: les 40 ans de la disparition de Jacques Brel.

Quarante ans donc que l’interprète d’Amsterdam et Ne me quitte pas a tiré définitivement le rideau. Mochélan, aidé en cela par le beatmaker et pianiste Rémon Jr présent à ses côtés, par le metteur en scène Jean-Michel Van den Eeyden et par les vidéos de Dirty Monitor (l’équipe gagnante, déjà, de Nés poumon noir, qui a tracé sa route jusqu’à Avignon), va démontrer que ses paroles sont éternelles. Et pour l’occasion, on ira surtout vers des textes moins connus. Le premier à prendre vie sur le plateau n’est d’ailleurs pas une chanson: c’est l’éditorial du Grand Feu, journal coordonné par Brel quand il faisait partie de La Franche Cordée, le mouvement de jeunesse catho qu’il a été jusqu’à présider. Le document est daté du 16 juin 1947. Le futur chanteur avait tout juste 18 ans.

Brel y raconte le moment décisif que fut pour lui un camp dans les Ardennes, « loin de la ville » et de la « perspective d’une morne vie bourgeoise ». Le feu de bois qui crépite alors sur le tulle porteur d’images est le prétexte idéal pour que se réveille au milieu des flammes Le Diable, dont la description cruelle n’a pas pris une ride en un demi-siècle. C’est le constat que l’on pose immanquablement face à cette actualisation bien menée: pour ceux qui en doutaient encore, l’humour et la force des émotions du Grand Jacques traversent le temps à merveille, de Marieke (chanté en néerlandais, tuurlijk) à Les Filles et les chiens en passant par Les Vieux amants et À jeun. Un très bel hommage, furieusement contemporain, qui se termine la tête dans les étoiles.

Le Grand Feu: jusqu’au 19 octobre au Théâtre de l’Ancre à Charleroi, www.ancre.be, le 26 octobre à la Ferme du Biéreau à Louvain-la-Neuve, www.fermedubiereau.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content