Critique ciné: Winter Sleep, l’aboutissement
DRAME | Avec Sommeil d’hiver, l’oeuvre de Nuri Bilge Ceylan connaît une forme d’aboutissement, au carrefour d’enjeux humains, philosophiques et esthétiques. Un film logiquement récompensé de la Palme d’Or lors du dernier festival de Cannes.
Il arrive qu’une Palme d’Or récompense un parcours au-delà d’un film. Celle décernée en mai dernier par Jane Campion au Sommeil d’hiver de Nuri Bilge Ceylan tient ainsi du couronnement d’une oeuvre, sans rien ôter aux qualités d’un opus qui, s’il n’a pas la fulgurance contemplative des Trois Singes et autre Il était une fois en Anatolie, brille tout autant par la finesse de sa mise en scène que par l’intelligence de son écriture. Citant Tchekhov, à qui l’on ajoutera Bergman, le cinéaste turc en inscrit le cours dans un village reculé de Cappadoce. C’est là qu’Aydin, un comédien à la retraite doublé d’un intellectuel à la tentation omnisciente, tient un petit hôtel en compagnie de sa jeune épouse, Nihal, et de sa soeur fraîchement divorcée, Necla. L’hiver ayant figé toute chose, le trio, replié sur lui-même, étale bientôt ses déchirements au gré de conversations qui vont faire tomber les masques et vaciller les certitudes, disséquant les âmes au passage.
S’appuyant sur une architecture limpide et savante à la fois, un Ceylan en veine littéraire livre un huis clos dense et suffocant, auquel les majestueux extérieurs anatoliens apportent de saisissantes respirations. Aux profonds enjeux humains et moraux que brasse le drame intimiste s’en ajoutent d’autres, sociaux. En résulte un film universel et intemporel, une oeuvre féconde, dont la longueur invite à s’y égarer pour tracer sa voie -un privilège qui ne se refuse pas…
- De Nuri Bilge Ceylan. Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag. 3h16. Sortie: 13/08.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici