DRAME | Yolande Moreau vibre d’une émotion déchirante dans ce film sur le deuil menant une maman française vers de nouveaux horizons.
La sonnerie d’un téléphone, dans la nuit profonde. La lumière qui s’allume derrière une fenêtre de la maison isolée. Le temps comme suspendu. Et puis la porte qui s’ouvre, Liliane qui s’avance sur le seuil, lentement, foudroyée par la terrible nouvelle venue du bout du monde. Christophe, son fils adoré, vient de perdre la vie dans cette Chine lointaine où il s’était installé.
Zoltan Mayer sait installer une ambiance, un sentiment, avec peu de choses. Un cadre fixe, une lumière précise et contrôlée, une façade un peu lugubre et une silhouette féminine lui suffisent à faire de cette scène un haïku visuel aux accents de tristesse infinie. Le titre du film rend hommage au chef-d’oeuvre d’Ozu, Voyage à Tokyo (1953). Il est question, comme chez le maître japonais, d’un vieux couple et de la séparation avec une progéniture que la vie a mené plus loin, trop loin, tandis que les années passaient. Mais contrairement aux parents de Voyage à Tokyo, Liliane ne reverra pas une dernière fois son fils. Ce dernier n’est plus désormais qu’un creux, affreux, dans le coeur et le ventre de sa mère. Un manque irrémédiable et aussi -cruellement- un problème administratif quand il s’agit de rapatrier son corps et que les autorités se dérobent. Liliane finira par prendre une résolution: elle ira en Chine, seule, chercher la dépouille de Christophe…
Traversée
Yolande Moreau est sublime, dans un rôle qui la « traverse » (comme elle aime dire) avec une douloureuse évidence. Zoltan Mayer a vu juste en lui confiant le personnage de Liliane, pour le confronter à une réalité entre lointain (géographique, culturel) et intime (Liliane retrouvant son fils dans les paroles, les regards et les gestes de ses amis, de son ex-compagne). L’actrice ne joue pas; elle est. Son apport à la crédibilité de Voyage en Chine est crucial. D’autant plus que Mayer, s’il capte avec bonheur la vérité des échanges, des moments, ne fait rien pour masquer un dénouement qui devient de plus en plus évident à mesure que l’action se déroule. Le film perdant dès lors en mystère ce qu’il gagne en potentiel sentimental… Mais l’expérience humaine et cinématographique vécue reste d’une grande qualité. D’une remarquable délicatesse, aussi, par la grâce d’une approche quasi documentaire, qui inscrit le périple de l’héroïne (car c’en est une, au sens le plus fort du terme!) dans le quotidien d’une Chine profonde rarement filmée de manière aussi sensible et juste par un réalisateur occidental.
DE ZOLTAN MAYER. AVEC YOLANDE MOREAU, QU JING JING, LING DONG FU. 1H36. SORTIE: 10/06.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici