Critique ciné: The Lobster, ovni drôle et bien senti

OVNI | Le cinéaste grec Yorgos Lanthimos court-circuite le prêt-à-penser dans son premier film en anglais, prix du jury à Cannes.

Deux films, Dogtooth puis Alps, ont imposé Yorgos Lanthimos comme l’une des voix les plus originales du cinéma contemporain, le tenant d’une démarche radicale et corrosive venue joliment court-circuiter le prêt-à-penser. Un cap que le cinéaste grec maintient dans The Lobster, son premier film en anglais, prix du jury à Cannes. Singulière pour le moins, cette dystopie située dans un futur proche voit des célibataires être internés dans un établissement de grand luxe où ils disposent de 45 jours pour trouver l’âme-soeur, sous peine d’être transformés dans l’animal de leur choix. C’est là qu’atterrit un jour David (Colin Farrell), impuissant à surmonter une rupture, et bientôt soumis à un quotidien répétitif où l’amour devrait résulter d’accointances absurdes. Une perspective à laquelle il va vouloir se soustraire, à l’instar des Solitaires, des résistants à la dictature sentimentale appliquant toutefois des règles non moins rigides…

S’appuyant sur un concept aussi fort que grinçant, The Lobster pose un regard décalé et aiguisé sur la société et la condition humaine, relevé de ce qu’il faut (et plus encore) d’humour noir. Lanthimos y joue avec bonheur des codes et des figures du cinéma, tout en réussissant, l’air de rien et sous couvert d’excentricité(s), à faire converger conscience politique et élan romantique. En résulte un film intensément jubilatoire, ovni en suspension auquel les Colin Farrell, idéalement atone, Rachel Weisz, John C. Reilly et autre Léa Seydoux achèvent de donner un relief troublant. Drôle et bien senti, ce homard, c’est du caviar…