Colorado Train
La bande-son qui égraine les chapitres, mêlant Green Day, Deftones, Fugazi ou Weezer, et les longues (et magnifiques) séquences consacrées au skate ne laissent planer aucun doute sur l’époque de ce thriller horrifique, juvénile et très américain du pourtant français Alex Inker: le milieu des années 90. Dans un bled évidemment paumé du Colorado, entre “hobos” et rails interminables, un quatuor de gamins perdus, brutalisés et un peu “freaks” vont soudain devoir faire face à plus dangereux encore que l’ennui, la pauvreté, la drogue ou les coups de leurs parents: Moe, un autre (sale) gosse de la ville a été retrouvé mort, mais surtout, à moitié dévoré (oui, dévoré). L’acte d’un désaxé jamais tout à fait revenu du Viêtnam? Ou du Wendigo, la légende urbaine du coin qui aime grignoter ses victimes -“Si tu vas seul dans la forêt, la créature des bois prend la place de ton ombre…”? Michael, Durham, Don et Suzy vont, presque sans jeu de mots, se mordre les doigts de s’y intéresser… Entre Stephen King et Larry Clark pour les ambiances, entre Jamie Hewlett et Frederik Peeters pour les envolées graphiques, Inker se lançant parfois, soudain, et superbement, dans un trait à l’encre plus fin et expressif que dans ses habitudes, ce Colorado Train vous happe sans jamais vous lâcher malgré ses 250 pages entièrement réalisées dans un noir et blanc de compétition, et parfois d’une rudesse sans nom. D’évidence, le “grand roman graphique américain” de son auteur Inker, décidément surprenant à chaque album. Sans doute un des must have de l’année pour qui aime la bande dessinée, l’Amérique d’en bas et les sueurs froides.
d’Alex W. Inker, d’après le roman de Thibault Vermot, éditions Sarbacane, 240 pages.
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