
Wes Anderson à l’honneur dans une expo à la Cinémathèque: Welcome to Wes World!
Vous rêviez d’entrer dans l’univers pastel et parfaitement des films de Wes Anderson ? C’est possible à la Cinémathèque française, où le cinéaste texan fait l’objet d’une exposition aussi somptueuse que ses œuvres.
Le survêtement Adidas rouge que Ben Stiller porte dans La Famille Tenenbaum? Les adorables créatures des profondeurs marines de La Vie aquatique? L’attirail scout de Moonrise Kingdom, y compris les uniformes kaki et les tentes cousues main? Ceux qui rêvaient de les voir un jour en vrai peuvent désormais se rendre à la Cinémathèque française à Paris, où se tient, jusqu’à la fin juillet, une exposition qui plonge ses visiteurs dans le monde merveilleux de Wes Anderson.
Au cours des 30 dernières années, aucun cinéaste n’a su créer avec autant de finesse et de plaisir fétichiste un univers aussi singulier, empli de nostalgie, de couleurs pastel et de compositions symétriques. Il était presque inévitable qu’une exposition soit un jour consacrée à son œuvre immédiatement reconnaissable. Elle est visible d’abord à Paris, puis à Londres. On y découvre pas moins de 500 objets issus des onze longs métrages et sept courts qui ont fait de Wes Anderson un des cinéastes les plus populaires du XXIe siècle.
Un entrepôt dans le Kent
Le fait qu’Anderson –fils, ce n’est sans doute pas un hasard, d’une archéologue et d’un publicitaire– collecte depuis des années ses propres objets préférés en archiviste dévoué, profite évidemment à l’exposition. Le premier studio pour lequel il a travaillé, Columbia Pictures, avait vendu, à son insu et pour une bouchée de pain qui plus est, les accessoires de son premier film, Bottle Rocket (1996). Le réalisateur se l’est alors juré: plus jamais ça. Depuis son deuxième long métrage, Rushmore (1998), il conserve donc tout lui-même, dans un entrepôt situé dans le Kent, en Angleterre, rempli à ras bord d’objets méticuleusement sélectionnés. Les commissaires de la Cinémathèque et du Design Museum de Londres ont plongé dans ces archives pour composer ce riche hommage. Avec le réalisateur, en toute discrétion, en arrière-plan.
L’exposition ne se contente pas d’explorer l’univers presque maniaque de Wes Anderson, elle met aussi en lumière sa méthode de travail. Anderson n’est pas un réalisateur qui se contente de livrer un scénario et de confier les accessoires à d’autres. Du choix de la typographie d’un magazine imaginaire dans The French Dispatch –son hommage au New Yorker– à la nuance de rose utilisée pour l’hôtel de The Grand Budapest Hotel –son extravagant voyage au Zubrowka, pays fictif d’Europe de l’Est–, chaque détail passe sous son œil acéré.
Photographie : Stéphane Dabrowski – La Cinémathèque française
Des notes griffonnées dans d’élégants carnets, des storyboards où il esquisse ses scènes plan par plan, et même des enregistrements audio où il interprète lui-même les dialogues: tout cela témoigne de la manière obsessionnelle avec laquelle Wes Anderson garde le contrôle sur son style visuel et narratif. Pas surprenant qu’il travaille souvent avec les mêmes collaborateurs: le directeur de la photographie Robert D. Yeoman, le chef décorateur Adam Stockhausen, la costumière Milena Canonero, et des acteurs fidèles comme Bill Murray, Jason Schwartzman ou encore Owen Wilson.
Vieux Continent
L’exposition ne fait pas l’impasse sur son européanophilie. Ses clins d’œil à des livres de Roald Dahl ou de Stefan Zweig, à des tableaux d’Egon Schiele ou de Pierre Bonnard, à des films de Federico Fellini ou de Jean-Luc Godard –parmi de nombreuses autres sources d’inspiration– sont en effet innombrables. Wes Anderson est peut-être né à Houston, au Texas, en 1969 pour être précis, mais il vit depuis des années en partie en Angleterre et en France. Avec The Grand Budapest Hotel et The French Dispatch, il a d’ailleurs signé de vibrantes déclarations d’amour au Vieux Continent. Que sa toute première rétrospective muséale s’ouvre à Paris n’a donc rien d’un hasard. La Cinémathèque française et son fondateur Henri Langlois figurent même, selon ses propres dires, parmi les figures clés de son éducation cinéphile.
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Les visiteurs entrent dans l’exposition à travers un rideau de théâtre carmin, avant de suivre un parcours plus ou moins chronologique. Tout commence par des polaroïds, des photogrammes et même un tournevis issu de Rushmore –l’un des films préférés de Martin Scorsese des années 1990. Et l’itinéraire s’achève avec des cactus en plastique, des serpents à sonnette et des extraterrestres issus de son film le plus récent: Asteroid City, un trip de science-fiction empreint d’un humour pince-sans-rire et baigné de nostalgie fifties.
En chemin, sa patte si reconnaissable est largement mise en lumière. Dans chaque salle surgit le héros andersonien: un rêveur, mélancolique et solitaire, souvent en conflit avec l’autorité. Son amour pour les tableaux vivants, la symétrie rigoureuse et la précision graphique est également souligné, tout comme son sens aigu du détail en matière d’accessoires. Costumes, storyboards, objets divers, photographies et même les marionnettes de ses petits bijoux en stop-motion Fantastic Mr. Fox et L’Ile aux chiens et leurs décors en miniature illustrent la minutie de son approche.
Seul petit bémol: ceux qui espèrent découvrir l’homme derrière l’icône pop risquent de rester un peu sur leur faim. Aucune trace d’objets personnels ou de souvenirs de l’époque précédant sa carrière cinématographique. L’exposition montre Anderson le styliste, le perfectionniste, le cinéaste devenu une véritable marque. Ou une formule sans cesse répétée –mais pas forcément améliorée, comme l’avancent ses rares détracteurs. Mais qui est vraiment ce Texan à l’éternel costume en velours côtelé? Peut-être que la réponse se cache quelque part entre les objets eux-mêmes –même s’ils sont, comme on pouvait s’y attendre, soigneusement alignés et scénographiés.
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Quoi qu’il en soit, les millions de fans du réalisateur –dont beaucoup de jeunes– peuvent déjà se réjouir de son prochain film. The Phoenician Scheme, un «thriller d’espionnage» avec Bill Murray, Scarlett Johansson et Benedict Cumberbatch, sera présenté à Cannes et sortira en Belgique dès la fin mai. En attendant, cette exposition haute en couleur constitue une mise en bouche idéale, une joyeuse escapade dans le parc d’attractions très personnel de Wes Anderson. Attachez vos ceintures!
Expo Wes Anderson
Jusqu’au 27 juillet à la Cinémathèque française, à Paris.
La cote de Focus: 4,5/5
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