Viggo Mortensen: « Une famille est comme une démocratie, il faut y travailler tous les jours! »
Depuis le succès de la trilogie du Seigneur des anneaux, Viggo Mortensen mène une carrière inégale qui l’a quelque peu éloigné du grand public. Il revient en grande forme dans Captain Fantastic.
« J’ai une vie de famille. Ça prend du temps. J’ai lancé une petite maison d’édition. Ça prend du temps. J’ai des parents à la santé fragile. Ça prend du temps. Et si on veut proposer quelque chose de spécial, si on veut vraiment bien le faire, ça prend du temps. Et ce temps il faut le prendre, car les occasions de faire quelque chose de remarquable sont rares. On peut se rater, le public peut ne pas apprécier, mais au moins il faut se donner cette chance. » Voilà comment l’acteur, également poète et peintre à ses heures, explique ses apparitions de plus en plus espacées sur les écrans. « Quand j’ai reçu le scénario de Captain Fantastic, j’ai tout de suite su que ce film pouvait être unique. L’écriture était inhabituellement intelligente, il y avait tellement de couches dans ce récit. »
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Mais il avait aussi ses doutes sur ce projet qui traite de la paternité. « Je me suis dit: comment va-t-on trouver six gamins qui soient à la fois des acteurs brillants et passionnés, mais aussi disciplinés sur le tournage? » En effet, dans ce film, Mortensen incarne un père de famille nombreuse et pour cette raison la plupart de ses scènes sont partagées avec sa tribu. Or, tourner avec des enfants implique de nombreuses complications, outre les horaires réduits. « Quand vous castez un enfant, vous castez aussi des parents. Il faut qu’ils soient soutenants, compréhensifs et agréables à fréquenter. Si ça se passe mal avec un seul parent tout peut dégénérer. C’est aussi aux parents de s’assurer que leurs enfants soient en forme et reposés, et qu’ils apprennent leur texte! »
Parole libérée
De ce point de vue-là, il serait difficile de nier la réussite du film. Loin des clichés des enfants naïfs ou « purs », ceux de Captain Fantastic sont vifs, curieux, impertinents, complexes… Leur relation avec leur père est singulière, la parole y est très libre mais empreinte d’un respect fort pour son autorité. « Derrière les apparences chaque famille est unique, chacune a son propre mode de fonctionnement et qui plus est ce fonctionnement est changeant. C’est pourquoi il est vain d’essayer d’avoir des certitudes. Rien n’est jamais « vraiment vrai », tout est un processus. Une famille ou un couple c’est comme la démocratie, il faut y travailler tous les jours. Et je crois que cela le film l’exprime bien.« Ça et l’importance du dialogue. « Aux États-Unis, nous assistons à une polarisation de la société. On n’a plus envie d’écouter l’autre camp, peut-être qu’on pourrait s’arranger pour les empêcher de voter tiens!, ou les jeter hors du pays! Ce sont les conséquences d’un manque de dialogue. Je pense que quand les gens se parlent, même s’ils se disputent, la situation est sous contrôle. C’est quand ils arrêtent de s’écouter que ça devient dangereux. Les politiciens exploitent cette faiblesse, car elle sert leurs intérêts. »
Un peu moins prompt à s’emporter que son acteur vedette, l’auteur-réalisateur Matt Ross laisse, lui, dans son film, la tâche du jugement au spectateur, se concentrant sur l’exploration de personnages opposés qui font tous de leur mieux et avec sincérité. « Le film parle de se laisser des chances, précise Mortensen. La chance de dialoguer, la chance de réaliser qu’on a tort, la chance de réaliser qu’on pourrait faire mieux. Ça a l’air simple mais ça peut être effrayant. Pour un père il est plus facile de dire non que d’expliquer pourquoi il dit non. Et c’est pareil pour un réalisateur. Certains nous disent: « Mets-toi là, dis ça, et fais vite on est en retard. » Et ils peuvent faire de très bons films, mais ce n’est pas très amusant. Je préfère des films comme celui de Matt, où l’équipe de tournage devient une famille, parce que les familles sont pleines de surprises! »
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