Critique | Cinéma

Une part manquante: Romain Duris retrouve Guillaume Senez après le succès de Nos batailles

3,5 / 5
3,5 / 5

Titre - Une part manquante

Genre - drame

Réalisateur-trice - de Guillaume Senez

Casting - Avec Romain Duris, Mei Cirne-Masuki, Judith Chemla

Durée - 1 h 38

Dans Une part manquante, Guillaume Senez embarque au Japon Romain Duris, père résigné à la séparation qui s’offre un dernier sursis, un dernier rayon de lumière comme un geste d’amour fou.

Après Nos batailles, Guillaume Senez retrouve Romain Duris dans Une part manquante, où les deux hommes explorent à nouveau la complexité de la figure paternelle, incarnée ici par Jay. Français installé au Japon, homme taiseux, Jay sillonne de nuit les rues de Tokyo au volant de son taxi. Il mène une vie atone, comme anesthésiée par sa douleur et sa solitude, celle d’un père séparé de son enfant -selon la politique familiale du pays, en cas de séparation d’un couple mixte, le parent japonais obtient souvent la garde exclusive.

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On comprend que Jay est au bord de la rupture, prêt à faire le deuil de ses derniers espoirs et de sa paternité. Il parle parfaitement japonais, connaît le plan de la ville sur le bout des doigts, fréquente un sento (les bains publics japonais) et mène une vie monacale, tout en retenue. Pourtant son statut reste celui du ­gaijin, l’étranger. Alors qu’il s’apprête à rentrer en France et à tourner définitivement la page, Jay a une vision. Au hasard d’un remplacement au travail, il pense croiser la route de sa fille, et cette rencontre vire à l’obsession. Quand Jessica, jeune mère française en souffrance à laquelle on a arraché son enfant, débarque dans sa vie, l’équilibre de Jay est rompu. Il est rattrapé par la colère de Jessica, et sa détermination à ne pas laisser faire les choses. Contre toute attente, il va se précipiter vers l’inconnu, franchissant en toute conscience la ligne rouge en vue d’improbables retrouvailles.Un étranger dans la villeJay veut croire à cette résolution qui pourtant tiendrait du miracle, et le scénario nous y amène avec habileté pour nous laisser avec Jay toucher du doigt la lumière.

Alors on le suit, d’abord à la découverte de son quotidien, dans un Japon que Senez filme sans l’exotiser. Et pour cause, Jay est presque plus japonais qu’un Japonais. Pourtant ce que nous montre aussi le film, c’est comment le corps social lui rappelle sans cesse son étrangeté, le rejetant comme le font son ex-femme et sa famille. Pendant des années, il a nagé à contre-courant, jusqu’à l’épuisement. Une part manquante explore tout autant l’obsession d’un père que l’irréductible altérité de l’étranger. À trop vouloir s’adapter, Jay s’est oublié, comme il a été effacé de la mémoire de sa fille. Sa rencontre avec Jessica, sorte de miroir inversé du père qu’il a été, fait peu à peu ressurgir ses pulsions, comme si les coutures du costume auquel il s’était contraint craquaient une par une. Pourtant, cet échec est traversé par une clarté que l’on voit poindre alors que la nuit fait place au jour, et que Lily, la fille de Jay, prend sa place dans le récit. Alors que jusque là, la contrainte et la retenue avaient donné le ton, une lueur d’espoir s’invite dans le film, comme un souffle de vie, porté par la belle et subtile direction de la photographie, et par une bande-son qui n’a pas peur d’un certain lyrisme, faisant écho aux étincelles de joie qui renaissent chez Jay, formidablement interprété par Romain Duris.

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