Un week-end trash avec John Waters à l’Offscreen Film Festival
John Waters est vivant. On a eu chaud! Déclaré mort la semaine dernière par un site parodique, le réalisateur américain était bel et bien à Bruxelles ce week-end, revenu d’outre-tombe pour nous faire rire.
Vendredi 8 mars
Première soirée à l’Offscreen Festival, la veille de la venue de John Waters. Pour les trois semaines à venir, les murs du Nova suintent le mauvais genre dans tous les coins. S’y mélangent les japonaises dénudées des « romans porno », la silhouette gironde de feu Divine, les actrices à forte poitrine de Russ Meyer… Pas de doute, les puritains et autres adeptes du bon goût ne sont pas les bienvenus!
La soirée commençait avec Jack Stevenson’s Trash from Hell Show, un patchwork de vieux films récupérés ici et là par cet infatigable collectionneur. Présent ce soir-là, Stevenson raconte son temps passé dans les poubelles, les sous-sols et les coins pour drogués, à la recherche de pellicules abandonnées. Trash from Hell Show rassemble certaines de ses trouvailles, mélangées façon cut-up pour créer un ensemble aussi étrange qu’hilarant. Les trois meilleurs moments: une campagne de prévention routière à l’issue funeste, une bande-annonce porno-gay très acrobatique, et un montage créé par Stevenson lui-même, où des enfants font des rêves porno la veille de Noël.
Suite du programme, une ode double aux gros seins, un « Double D Bill », jeu de mot entre le Double Bill (projection de deux films sur un seul ticket) et la mensuration généreuse « Double D ». Malheureusement, nous n’avons pu voir que le premier film de cette sélection, à notre grand désespoir. Une erreur de jugement qui nous a privés de Deadly Weapons (1974), où une femme tue des hommes en les étouffant entre ses seins. Pas grave: il y avait largement de quoi satisfaire les amateurs de bustes amples avec Supervixens de Russ Meyer (1975). Des seins, de la violence, des courses-poursuites : pas un neurone ne s’allume, mais on se rince l’oeil et on rigole bien.
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Samedi 9 mars
Evènement au Bozar: John Waters vient présenter son one-man-show, This Filthy World, suivi de la projection de son film Polyester (1981) en odorama. Devant une salle Henri Leboeuf bien remplie, le réalisateur raconte sa découverte du trash grâce à l’école catholique et sa « liste de films interdits ». Il revient ensuite sur sa filmographie, et agrémente l’ensemble de nombreux passages trash. Morceaux choisis: « Dans les années 50, les hommes ne pouvaient voir des femmes nues à l’écran que dans des vidéos de naissance… Alors les gens se branlaient sur des accouchements! » Ou encore: « J’ai différents souhaits, comme créer un festival du film d’avortement. Vous voyez ce film, 4 mois, 3 semaines et 1 jour? Je l’ai regardé encore et encore, j’adore ça! »
Le spectacle est aussi une ode aux gens différents, aux « outcasts », ceux que Waters aime défendre dans ses films: « Aux parents: si vos enfants ont des problèmes à l’école, réjouissez-vous, ils deviendront peut-être des artistes plus tard! » Une fois le spectacle fini, Waters décide d’improviser une courte séance de questions-réponses avec le public. Un geste classe, presque autant que l’élégante veste rose qu’il portait ce soir-là.
Après la pause, chacun se saisit de sa plaquette odorante à gratter pour voir Polyester. Dans ce film familial déjanté, la mère de famille interprétée par Divine rencontre toutes sortes d’odeurs plus ou moins agréables. A dix reprises, un chiffre apparaît sur l’écran, invitant le public à gratter frénétiquement sa carte pour s’imprégner de l’odeur de la scène. Si le procédé amuse beaucoup le public, certaines odeurs manquent parfois de punch, surtout les plus désagréables. On rit quand même beaucoup de la vie délirante de cette famille, et on repart avec le nez un brin saturé.
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Dimanche 10 mars
Après avoir présenté une Master Class à la Cinematek, John Waters vient présenter le Double Bill Pink Flamingos + Desperate Living au Nova. « Cette salle me rappelle le cinéma où Pink Flamingos a débuté à l’époque », se souvient le réalisateur. « Cet endroit restera gravé dans ma mémoire à jamais! » Et pour cause, la salle comme le bar ont été décorés de charmants flamands roses en hommage à ce film culte et sans limites. Sorti en 1972, cet OVNI raconte la vie de Divine, « the filthiest person alive » (la personne la plus dégueu du monde), et sa lutte pour le rester. En effet, un couple veut à tout prix lui ravir le titre. S’engage alors une course à l’horreur dont le public ne rate aucun détail: cannibalisme, anus chantant, exhibition sexuelle, zoophilie…
« Où avais-je la tête à l’époque? » se demande John Waters après la projection. On se pose aussi la question. « J’avais 27 ans et je voulais faire un film pour m’opposer à la tyrannie du bon goût. » Il raconte une anecdote: « Pink Flamingos est passé une fois sur le câble aux Etats-Unis. J’ai accepté que la chaîne coupe deux scènes du film, sauf qu’à la diffusion, j’ai vu qu’ils avaient oublié de le faire! » Curieusement, le « pape du trash », comme l’appelait William Burroughs, n’aime pas la vraie violence. « Je n’aime que la violence fictive, pour faire rire. Je n’aime pas voir du vrai gore, et je n’ai jamais vu 2 girls 1 cup, cette vidéo où des filles se vomissent dans la bouche! » Répondant aux questions du public, John Waters exprime aussi son amour pour Pedro Almodovar (« le meilleur réalisateur du monde ») et Quentin Tarantino. Il regrettera enfin de ne pas avoir le temps de découvrir l’ABC, la salle porno du boulevard Adolphe Max… « Une prochaine fois, peut-être! »
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Lucas Godignon (stagiaire)
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