«On a listé toutes les blessures causées lors du tournage»: pourquoi il faut aller voir Together, un film d’horreur… émouvant

Together prend la forme d’une métaphore glaçante de la codépendance amoureuse. © BENKINGPHOTOGRAPHER

Together, premier long métrage de Michael Shanks, puise ses origines dans la vie du réalisateur. Une histoire de couple dont le lien devient étrangement plus puissant, comme sous l’influence d’une force supérieure.

BODY HORROR

Togetherde Michael Shanks

Avec Dave Franco, Alison Brie, Damon Herriman. 1h42.La cote de Focus: 3,5/5

Après The Substance de Coralie  Fargeat et Titane de Julia  Ducournau, voici Together, nouvel apport au genre poisseux du body horror, prenant cette fois la forme d’une métaphore glaçante de la codépendance amoureuse. Si l’intrigue souffre parfois un peu de son caractère programmatique, le film compense avec son lot de séquences effrayantes –deux corps qui glissent inexorablement l’un vers l’autre dans un sombre corridor, un amant qui avale les cheveux de sa compagne durant la nuit, un coït dont on ne parvient pas à se dégager… Autant d’images qui concrétisent les angoisses d’une génération terrifiée par la monogamie et l’engagement à long terme. Malaisant, inventif, drôle, mais aussi étonnamment touchant, Together propulse immédiatement Michael Shanks parmi les cinéastes à suivre ces prochaines années.

«C’est une histoire autobiographique, confirme le Canadien. J’ai été en couple pendant presque 17 ans et lorsque nous avons choisi de déménager, j’ai commencé à ressentir de l’anxiété par rapport au fait que nous avions le même groupe d’amis, que nous mangions les mêmes choses, respirions le même air… J’y ai vu le point de départ d’une histoire où un couple deviendrait fusionnel d’un point de vue « organique ». On connaît tous des personnes en couple non parce qu’ils s’aiment mais parce qu’ils sont tellement habitués l’un à l’autre qu’une séparation équivaudrait à couper une moitié d’eux-mêmes. Mon film est une métaphore de cette idée.»

Pour incarner Tim et Millie, Michael Shanks souhaitait deux acteurs en couple dans la vraie vie. «Convaincre Dave Franco et Alison Brie, c’était le rêve. Ils ne sont pas seulement des acteurs talentueux, ils forment un couple que les gens identifient. Cela insufflait une puissance méta au film. Et puis, c’est une histoire qui demandait une telle dose de vulnérabilité émotionnelle et physique, qu’il fallait que les deux comédiens soient parfaitement à l’aise l’un avec l’autre.» Un choix motivé par le scénario, donc, mais aussi par des limitations plus pratiques… La plupart des (nombreuses) prothèses monstrueuses utilisées dans le film ne pouvaient être refaites pour des raisons de budget. Dès lors, «pour ne pas détruire une prothèse, Dave et Alison ont dû rester collés ensemble une journée entière, même pour aller aux toilettes!, s’exclame le réalisateur. Je n’aurais jamais pu demander une telle chose à des comédiens moins intimes.»

Soumission des corps

L’actrice confirme l’épreuve à part que fut le tournage: «On a tourné en 21 jours, c’était très ambitieux. Chaque jour, nous soumettions nos corps à des choses extrêmement intenses. D’autant plus que Dave et moi avons assuré une grande partie de nos cascades.» «On a dressé la liste de toutes les blessures causées lors du tournage, renchérit, en riant, Dave Franco. Mais on était si excités par le film qu’on était en train de faire, par la subversion du projet, que ça nous a permis de passer outre tous ces moments éprouvants.»

Pour se préparer à ce rôle particulier, Alison Brie a étudié le jeu d’une actrice bien connue des fans d’horreur: «J’ai revu Shining car je voulais me mesurer à la vulnérabilité de Shelley Duvall. Il y a une telle absence de prétention dans ce rôle. Malgré son statut culte, j’ai l’impression que beaucoup de gens se sont longtemps moqués de cette performance. Moi, je l’admire. Je pense qu’elle a réussi à montrer, sans jugement, comment une personne réagirait à une situation de vie ou de mort.»

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Les inspirations de Dave Franco sont plus inattendues: «J’ai revu The Thing et La Mouche, mais ma principale inspiration était… Michael Shanks. Mon personnage est très inspiré de sa vie. Sa longue relation amoureuse, mais aussi le fait qu’il a tenté de devenir musicien et que ça n’a pas fonctionné. Il s’est montré très vulnérable avec nous; il m’a même raconté comment se déroulait ses attaques de panique. J’ai essayé de puiser un maximum de choses dans son récit.»

«Il est impossible de fuir son propre corps. C’est ce qui rend le body horror universel.»

Epouvante romantique

En centrant son dispositif horrifique sur les mutations du corps, Together plonge à pieds joints dans le body horror, un sous-genre de l’épouvante qui fleurit particulièrement ces dernières années entre le triomphe cannois de The Substance et les films de Julia Ducournau (Grave, Titane et tout récemment Alpha). Selon Michael Shanks, la fascination exercée par le style tient à une chose en particulier: «Dans un slasher movie (NDLR: caractérisé par des meurtres brutaux), on peut fuir le tueur. En revanche, il est impossible de fuir son propre corps. On devient tous vieux, on a tous peur de perdre certaines fonctions utiles à notre corps. Personnellement, je suis très hypocondriaque. Je pense que tout le monde a un rapport particulier avec son corps d’une manière ou d’une autre, et c’est ce qui rend le body horror si universel.»

Avec son humour noir et ses éprouvantes séquences de terreur, on pourrait être tenté de réduire Together à une énième série B un peu maline. Pourtant, au-delà de la justesse des angoisses qu’il dépeint, le film évolue graduellement vers quelque chose d’étrangement émouvant, voire même de… romantique. «C’est un film sincère, qui assume d’être une proclamation de l’amour, confie Michael Shanks. Pendant que j’écrivais le scénario, je n’arrêtais pas de penser à quel point j’aimais ma partenaire. Evidemment, à la surface du film, on voit surtout les problèmes et les angoisses qui parcourent la relation amoureuse. Mais je suis aussi un grand sentimental. Si on a le courage de confronter nos doutes et nos conflits dans un couple, de les dépasser, alors notre partenaire peut vraiment devenir celle, ou celui, dont on rêve.»

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