Tobe Hooper: « le monstre est l’être humain »

Tobe Hooper, sur le tournage de The Texas Chain Saw Massacre (Massacre à la tronçonneuse). © COLLECTION CHRISTOPHEL
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Tobe Hooper, le réalisateur de The Texas Chainsaw Massacre, est décédé ce samedi à l’âge de 74 ans. Il y a deux ans, nous le rencontrions alors qu’il débarquait à Bruxelles pour le festival Offscreen, avec une version restaurée de son film (toujours) choc.

Article initialement paru dans le Focus du 27 février 2015.

Si Tobe Hooper n’avait pas fait ses achats dans un magasin de bricolage, et si l’irritation à devoir faire une longue file ne lui avait pas fait venir l’idée de décrocher une tronçonneuse pour se tailler un chemin vers la caisse en élaguant dans la masse de clients, l’Histoire du cinéma n’aurait pas été la même… Car il y a un avant et un après The Texas Chainsaw Massacre (1974)! Le succès public du film connu chez nous sous le titre Massacre à la tronçonneuse fut phénoménal dans les chiffres, générant un profit de dizaines de millions de dollars pour un budget de moins de 300.000. Surtout, la réalisation sensationnelle du jeune Tobe Hooper (30 ans au moment du tournage) allait changer la face du cinéma d’horreur, devenant illico oeuvre culte et suscitant une quantité impressionnante d’imitateurs plus ou moins talentueux avant que le « slasher movie » à tueur masqué ne devienne un genre à part entière!

S’il ne pouvait à l’époque prévoir pareil triomphe, et pareilles retombées à son film, le très intelligent Hooper savait dès le départ qu’il tenait quelque chose de nouveau, d’inédit, par-delà la « première » constituée par la promotion d’un instrument d’outillage au rang d’arme fatale. « Je ne veux pas paraître prétentieux, mais j’avais parfaitement conscience de faire quelque chose qui n’avait encore jamais été fait, commente le cinéaste. J’avais vu tout ce qu’il était possible de voir à l’époque et rien ne préparait à l’expérience puissante, inédite, que j’éprouvais moi-même en tournant le film. Une connexion émotionnelle qui était mienne mais dont je pressentais qu’elle serait partagée par les spectateurs… » Ces derniers, en effet, allaient bientôt se voir emmenés en nombre dans un film à tueurs psychopathes (il y en avait eu plusieurs, déjà, dont le génial et saisissant Psycho de Hitchcock) innovateur en diable avec sa descente au coeur d’une Amérique profonde, rurale, où le danger prend la forme d’une famille de cannibales dégénérés, dominée par la figure masquée de « Leatherface », l’homme à la tronçonneuse.

Tant de suiveurs se sont engouffrés dans la brèche ouverte par le film, et l’ont fait avec des épanchements sanglants des plus « gore », qu’on est presque surpris de constater à quel point The Texas Chainsaw Massacre est en fait économe en hémoglobine! « Il fallait que le film soit vu par le maximum de gens, et pour cela qu’il obtienne au minimum un classement « R » (1), et puis surtout je croyais très fort à cette idée de suggérer plutôt que de montrer, afin que le spectateur puisse croire avoir vu quelque chose alors que cette chose n’est pas dans le film! Le ressort psychologique impliqué dans ce processus est tellement riche que cela rend l’expérience plus profonde que si vous aviez réellement vu les images. L’imagination et l’anticipation du spectateur font le travail est c’est encore plus fort! Comme dans la scène où Pam est pendue au crochet de boucher au-dessus d’une vieille baignoire destinée à recueillir son sang. Tout le monde ou presque jurerait voir le sang s’écouler du corps vers la baignoire… sauf que ce n’est pas dans le film. »

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The Texas Chainsaw Massacre fut présenté (faussement) comme tiré de faits réels, « une manière de susciter un frisson supplémentaire en laissant penser que des monstres pareils font partie de notre quotidien, qu’on pourrait les rencontrer en chemin« … Bien plus prégnante était l’intention politique de Hooper. « Il n’y a pas eu un seul jour, durant tout le projet, où la guerre au Vietnam n’ait pas été présente à nos esprits, commente-t-il, dans cette Amérique d’après Watergate, d’après la perte d’une certaine innocence, une Amérique où ce que voyiez aux informations télévisées n’était pas forcément vrai, et parfois totalement mensonger… A l’université du Texas, à Austin, où je travaillais et d’où venaient la plupart des participants au film, la méfiance envers le système était un mode de vie. Et pas que là! Ce sentiment de malaise, sur fond de violence venue d’en haut, était présent un peu partout dans le pays. Il fait partie du tissu dont est fait le film. The Texas Chainsaw Massacre porte, de manière indélébile, les couleurs de son temps. »

Sauver le film!

L’actualité de Tobe Hooper est sa venue à Bruxelles pour le festival Offscreen, avec sous le bras la version restaurée, flambant neuve, de son film mythique. Une restauration dont le résultat est spectaculaire, mais dont l’objectif premier fut simplement… de ne pas voir The Texas Chainsaw Massacre disparaître. « Le négatif original était en très mauvais état, il y avait réellement danger que le film soit perdu pour toujours. Avant même de parler de restauration, c’est de sauver le film dont il était question!« , explique le réalisateur. « La nouvelle version est au standard 4K (définition d’image optimale, à la définition quatre fois supérieure à celle de la Full HD, ndlr) avec un son surround Dolby 7.1 dont l’effet est fantastique, poursuit Hooper. Nous avons gardé le mixage original, mais les sons se retrouvent maintenant à différents endroits de la salle et le spectateur est littéralement cerné par eux. Ils viennent de partout, même de derrière vous, et ils vous rentrent dans la tête. C’est une toute nouvelle expérience, même pour ceux qui ont déjà vu et revu le film! Pour la restauration des images, je n’ai pas voulu perdre le grain réaliste, l’aspect rugueux de la pellicule originale. L’esprit est préservé, mais la vision du film en 4K dans la salle offre une telle fluidité, une telle précision, que j’y découvre à présent des choses dont je ne suis pas sûr de les avoir jamais remarquées auparavant! » Tobe Hooper ne voulait pas perdre le « feeling » si neuf provoqué voici 40 ans par son film. « Car les fantômes, les démons d’alors sont toujours bien présents aujourd’hui, conclut le cinéaste, les guerres ne sont pas finies, les mensonges sont toujours de mise, et puis surtout comment ne pas voir ce que voulait dire le film: que la menace, la terreur, sont dans l’intime de la société, que le monstre est en fait l’être humain? Cela, j’avais voulu l’exprimer de la manière la plus réelle qui soit. The Texas Chainsaw Massacre parle de la réalité, notre réalité. »

(1) DANS LES « RATINGS » AMÉRICAINS, « R » SIGNIFIE « RESTRICTED », TOUT MINEUR DE 17 ANS DEVANT ÊTRE ACCOMPAGNÉ D’UN ADULTE RESPONSABLE POUR POUVOIR VOIR LE FILM.

Tobe Hooper: filmo sélective

Eaten Alive (1977)

Sorti chez nous et en France sous le titre Le Crocodile de la mort, c’est le film qui suit The Texas Chainsaw Massacre dans la filmographie de Tobe Hooper. Lequel y reprend plusieurs complices du tournage précédent, dont l’actrice Marilyn Burns. L’histoire? Le gérant d’un motel se sert de ses clients pour nourrir son animal de compagnie: un gigantesque alligator! Plus gore, pimenté d’humour noir, ce film très réussi révéla le comédien Robert Englund, futur Freddy de Nightmare On Elm Street.

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Poltergeist (1982)

Le titre vient d’un phénomène paranormal, celui des « esprits frappeurs ». Sorti en 1982, le film est produit par Steven Spielberg, dont les mauvaises langues disent qu’il a en bonne partie réalisé le film lui-même. Des fantômes y persécutent une famille dans sa maison d’une banlieue californienne. Une séquence hallucinante, où une piscine se remplit de morts remontant de sous la terre, est le « clou » de cette très bonne tranche d’horreur et de fantastique, gros succès à l’époque.

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Lifeforce (1985)

Sous contrat (de trois ans) avec les Cannon Boys Menahem Golan et Yoram Globus, Hooper tournera plusieurs films sous leur bannière. Sorti en 1985, Lifeforce est le meilleur. Un récit de science-fiction apocalyptique où trois êtres en état d’hibernation sont extraits d’un vaisseau extraterrestre et ramenés sur Terre. Mauvaise idée, bien sûr! Le trio s’employant, une fois réveillé, à vampiriser la force vitale des humains… Mathilda May, 20 ans et une présence à couper le souffle, joue les aliens de charme dans un spectacle de SF impressionnant.

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Toolbox Murders (2004)

Habile remake de The Toolbox Murders, un film de 1978, ce film réalisé en 2004 n’a pas eu les honneurs d’une sortie en salles, et fut immédiatement expédié dans le circuit vidéo. Un tueur en série se servant d’outils de bricolage y terrorise les habitants d’un immeuble. Sa jeune soeur ayant été kidnappée, un adolescent mènera l’enquête, soupçonnant évidemment l’assassin psychopathe. Très divertissant, l’emploi d’outils pour tuer rappelant savoureusement une certaine tronçonneuse…

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