Critique | Cinéma

The Substance: quand Demi Moore partage son corps avec Margaret Qualley

3,5 / 5
3,5 / 5

Titre - The Substance

Genre - Thriller horrifique

Réalisateur-trice - De Coralie Fargeat

Casting - Avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid.

Durée - 2 h 20

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Avec The Substance, Coralie Fargeat réussit une fable horrifique à l’outrance dégénérée sur l’obsession maladive de la jeunesse et de la beauté.

En 2018, la Française Coralie Fargeat signait, avec Revenge, un premier long métrage joyeusement crade et viscéral évoluant sous un cagnard infernal. Bourré jusqu’à la gueule de références pop (Tomb Raider, Mad Max, Deliverance, Rambo, The Wild Bunch, Kill Bill…), cet amusant festin d’ultraviolence esthétisée se présentait comme le récit -volontairement trop tape-à-l’œil pour être tout à fait honnête- d’une métamorphose. Celle d’une poupée Barbie en amazone vengeresse. Six ans plus tard, elle muscle quelque peu le propos et confirme surtout son ambition plastique avec The Substance.

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Prix du scénario au dernier festival de Cannes (une aberration en soi, tant il s’agit là d’un film de pure mise en scène), ce deuxième long métrage se construit autour d’une vedette d’une émission d’aérobic à l’étoile pâlissante, Elisabeth Sparkle (Demi Moore). Délaissée à cause de son âge, elle affiche un moral au plus bas quand un mystérieux laboratoire la contacte pour lui proposer une substance miraculeuse. Si elle se l’injecte, elle pourra se réinventer sous les traits de Sue (Margaret Qualley), son double plus jeune, plus ferme et plus séduisant, prêt à conquérir le monde avec un appétit vorace. Mais, bien évidemment, ce qui ressemble d’abord à un rêve inespéré va rapidement virer au cauchemar, plutôt du genre cruel et sanglant…

Mauvais goût assumé

Film massivement travaillé par l’idée d’une monstruosité humaine, The Substance tient lui-même d’une espèce de créature de Frankenstein qui agglomère goulûment et pêle-mêle le cinéma de David Cronenberg (on nage ici en plein body horror), une esthétique clinique chère à Stanley Kubrick, des œillades à Alfred Hitchcock et Brian De Palma, des emprunts au très culte Basket Case de Frank Henenlotter et aux films de l’école Troma, une ambiance à la Mulholland Drive, des échos du mythe de Faust, de La Belle et la Bête, du Portrait de Dorian Gray voire même de la BD Ces jours qui disparaissent… Entre autres joyeusetés. Bien meilleur que le Titane de Julia Ducournau, The Substance fait ainsi feu de tout bois et force le respect par son refus buté du bon goût bien policé.

Pas spécialement toujours d’une grande finesse (ce n’est vraiment pas l’idée), le film, satire sociale d’une redoutable efficacité, flirte avec le vide pour mieux en mesurer le vertige. Taclant dans un grand geste de surenchère gore et féministe le culte absurde de la beauté, de la jeunesse et de la nouveauté, cette fable dysfonctionnelle et grimaçante où les miroirs et les horloges se multiplient en écho aux ravages opérés par le temps ose aller au bout du bout (du bout) de son délire grand-guignolesque barbouillé d’hémoglobine.

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