Stanley Tucci: « Je voulais que le film semble sortir des peintures de Giacometti »
Tendance lourde du cinéma contemporain, le biopic a trouvé dans les vies d’artistes comme une manne sans fond.
Tendance lourde du cinéma contemporain, le biopic a trouvé dans les vies d’artistes comme une manne sans fond. Peintres (Renoir, Ivre de femmes et de peinture…), musiciens ou chanteurs (Walk the Line, La Môme, Barbara, Straight Outta Compton…), sculpteurs (Rodin), écrivains (Factotum), cinéastes (Le Redoutable), il y en a pour tous les goûts, et de plus ou moins inspirés, la dernière Berlinale, par exemple, proposant des portraits du « cartoonist » John Callahan (Don’t Worry, He Won’t Get Far on Foot), de l’écrivain irlandais Oscar Wilde (The Happy Prince) et de son homologue russe Sergueï Dovlatov (Dovlatov). Stanley Tucci a pour sa part jeté son dévolu sur le peintre et sculpteur suisse Alberto Giacometti -campé à l’écran par Geoffrey Rush dans Final Portrait. Un projet caressé depuis treize ans, lorsqu’il acquit les droits de l’ouvrage A Giacometti Portrait, inspiré à James Lord par les longues séances de pose que lui avait imposées l’artiste en 1964. « Je lui avais écrit des lettres pour plaider ma cause, mais il m’opposait une grande résistance, expose le réalisateur . Il estimait que leurs échanges étaient purement cérébraux et n’avaient rien de visuel. Jusqu’au jour où il s’est rendu à New York. Nous avons un ami commun, James Ivory, pour qui j’avais joué un petit rôle dans Slaves of New York . Et ce dernier l’a invité à accéder à ma demande. Après quoi nous nous sommes rencontrés, je l’ai revu à Paris, et Lord s’est montré extrêmement généreux. »
Au coeur du processus créatif
Restait à Tucci à se dépatouiller pour trouver un financement, son opiniâtreté finissant par payer. Qu’il ait refusé de céder au découragement tient sans doute à la marque indélébile laissée sur lui par l’ouvrage de Lord. « J’ai gardé ce livre auprès de moi pendant toutes ces années, parce que c’est celui qui parle le mieux du processus créatif. Giacometti est fascinant, et son art magnifique. C’était un artiste complet, qui s’exprimait avec discernement sur ce processus, tout comme Lord d’ailleurs. » S’il n’échappe pas à un certain académisme dans sa recréation de Paris, le film trouve par contre un arc narratif original dans la relation entre l’artiste et son sujet. À quoi s’ajoute le soin tout particulier apporté par le réalisateur pour s’inscrire dans la continuité esthétique de son modèle. « J’ai pensé un moment tourner en noir et blanc, mais le résultat aurait alors été trop précieux. J’ai toutefois été très précis sur la palette utilisée et les tonalités des couleurs: je voulais que le film semble sortir des peintures de Giacometti et qu’il reflète à quoi ressemblait son atelier. » D’où, en écho aux toiles de l’artiste, un univers monochromatique, tout au plus tacheté d’éléments colorés. Et une volonté de privilégier une approche naturaliste: « Je voulais montrer un artiste au travail en temps réel dans des passages substantiels. J’ai opté pour une caméra toujours en mouvement, pour capter l’énergie, la vie, comme dans un film de la Nouvelle Vague. La caméra ne pouvait pas rester statique, d’autant plus que le récit gravite autour de deux figures qui le sont. Je tenais à cet aspect documentaire… »
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