Titre - Return to Dust
Genre - Drame
Réalisateur-trice - Li Ruijun
Casting - Wu Renlin, Hai Qing.
Sortie - En salles
Durée - 2h13
Critique - Jean-François Pluijgers
Li Ruijun inscrit dans la campagne chinoise une histoire d’amour se déployant au fil des saisons sur arrière-plan de mutations profondes du paysage rural.
Sorti en Chine en juillet dernier après avoir été présenté en compétition à la Berlinale, Return to Dust s’est vu interdire par les autorités chinoises qui l’ont retiré de l’affiche (et des plateformes de streaming) en dépit de son succès public considérable, son réalisateur, Li Ruijun, étant pour sa part assigné à résidence. Motif présumé de cette censure: l’extrême dénuement des protagonistes de cette chronique rurale située dans la province du Gansu, s’inscrivant en faux par rapport au discours communiste officiel qui annonçait, en 2021, la fin de la pauvreté absolue. Au-delà de cette dimension politique sous-jacente, c’est à une belle et pure histoire d’amour déclinée au fil des saisons que s’attelle Li Ruijun avec un sens du rythme et du cadre incontestable. Le titre chinois du film, Yin ru chen yan ou Caché dans le pays des centres et de la fumée, manière pour le réalisateur de signifier que “ce que nous ne voyons plus ne cesse pas pour autant d’exister”, en restitue d’ailleurs aussi la dimension poétique.
Les personnages centraux de Return to Dust, Ma Youtie et Cao Guiying, un couple d’âge mûr déjà, on les découvre par une rude journée d’hiver, alors que leurs familles partagent un modeste repas. Timide et simplet, il est l’objet des moqueries des villageois, tandis que les maltraitances l’ont laissée infertile et quasi mutique. Deux parias pour lesquels leur entourage n’a qu’un souhait: les unir dans un mariage arrangé, histoire de s’en débarrasser. Ce qui est bientôt fait, le duo partant avec son âne et sa carriole cultiver un lopin de terre dans des conditions rudimentaires. Leur avenir s’écrit en pointillé, le village se vidant de ses habitants partis à la ville; jusqu’aux maisons vides qui sont démolies les unes après les autres, afin de toucher les indemnités promises par les autorités, affairées au remembrement. Mais s’ils se voient bientôt contraints d’abandonner celle qu’ils occupaient, Ma et Cao s’en accommodent, stoïques -“chacun a son propre destin”-, entreprenant de construire une petite ferme, l’affection qui les unissait s’étant insensiblement transformée en amour alors qu’ils font face aux vicissitudes de l’existence.
Cette histoire, Li Ruijun la met en scène avec une simplicité confinant à l’ascèse, pour signer la chronique austère d’un mode de vie voué à la disparition -en quoi on peut rapprocher sa démarche de celle d’un Jia Zhang-ke. Ayant lui-même grandi dans cet environnement -l’interprète, non-professionnel, de Ma n’est autre que son oncle-, le réalisateur en restitue la réalité avec un évident souci de vérité. Non sans en magnifier le cadre, qu’il habille de couleurs chaudes, pour conférer au chant poignant de ces damnés de la terre des contours d’une admirable beauté.
Return to Dust ****
De Li Ruijun. Avec Wu Renlin, Hai Qing. 2 h 13. Sortie: 05/04.
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