Retour à la comédie pour Cécile de France: « ‘Second tour’ est un film qui allie message et rires »
Cécile de France est à l’affiche du très attendu nouveau film d’Albert Dupontel, Second Tour. Elle rejoint ainsi l’univers singulier du cinéaste français, et se livre pour nous sur cette rencontre et son rapport à la comédie.
Ces dernières années, Cécile de France a impressionné avec des rôles marquants, promenant avec aisance son naturel et sa capacité à jouer le trouble aussi bien en costume chez Xavier Giannoli (Illusions perdues) ou Emmanuel Mouret (Mademoiselle de Joncquières) que dans des drames ultra contemporains chez Carine Tardieu (Les Jeunes Amants) ou Emmanuelle Bercot (De son vivant). Un ancrage fort dans un cinéma d’auteur plutôt cérébral, qui ferait presque oublier que ses premiers lauriers, c’est bien la comédie qui les lui a apportés. De là à penser que la comédienne a une vraie nature comique, il n’y a qu’un pas, que l’on a bien envie de franchir. En 2003, son rôle d’Isabelle, la coloc sincère et espiègle dans L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch, lui vaut un César du meilleur espoir féminin. Un personnage qui lui va tellement bien que trois ans plus tard, il lui rapporte un deuxième César, celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour la suite du film, Les Poupées russes. De l’eau a coulé sous les ponts, sa carrière s’est déployée, et les comédies se sont raréfiées dans la filmographie de l’actrice -même si l’on retiendra l’excellente et douce-amère comédie romantique de Carine Tardieu Ôtez-moi d’un doute avec François Damiens. C’est donc (presque) une surprise de retrouver Cécile de France dans Second tour d’Albert Dupontel, champion de la comédie d’auteur du cinéma français, largement récompensé par le public et la profession pour son dernier film, Adieu les cons, avec une autre comédienne belge, Virginie Efira.
Un espace de liberté
Pour Cécile de France, la rencontre avec Albert Dupontel relevait autant du cadeau que de l’évidence: “C’est un grand travailleur, moi aussi, et je savais que nos deux enthousiasmes allaient se rencontrer. J’adore incarner des personnages très éloignés de moi. Lui a une vraie passion pour la direction d’acteur. Nous ne pouvions que bien nous entendre! J’en ai profité pour réapprendre mon métier avec lui.C’est comme si j’avais fait un stage de deux mois pendant les répétitions. Je suis réellement sortie de ma zone de confort. Il fallait arriver à accéder à ce personnage pas forcément facile, qui a une certaine froideur et une cérébralité que je n’ai pas dans la vie.” Le cinéaste a établi en une poignée de films une réelle marque de fabrique, doublée d’un savoir-faire et d’une méthode bien particuliers. “J’ai essayé de m’adapter le mieux possible, mais comme Albert était très ouvert, généreux, doux et compréhensif, c’était très facile. On s’est beaucoup amusés, car il y a beaucoup d’espace de liberté dans sa façon de faire. Il a une vision, il vous emmène avec lui, mais vous laisse aussi énormément de place pour inventer et créer pour que vous aussi puissiez amener votre fantaisie. C’était très amusant de trouver le personnage, ensemble avec Albert et Nicolas (Marié, qui joue Gus dans le film, NDLR), et de définir ce duo comique.”
Car c’est bien d’un couple comique qu’il s’agit. Avec Nicolas Marié, la comédienne compose un “duo de clowns”: “L’auguste et le clown blanc: lui pose les questions, moi je trouve les réponses. Nicolas et moi avons fait beaucoup de répétitions, on devait trouver l’équilibre. Dans un duo à la fois opposé et complémentaire, il ne faut pas se laisser contaminer par l’énergie de l’autre. Ça demande beaucoup de maîtrise en fait. On réapprend les bases du jeu, à être à l’écoute du partenaire.” Cécile de France incarne une journaliste politique “déclassée” au service football, qui va mener l’enquête, accompagnée de son fidèle caméraman, sur la véritable personnalité d’un candidat à l’élection présidentielle. Une investigation qui joue des codes du thriller politique, tout en versant dans la comédie satirique. “Ce que j’ai adoré, c’est que comme chez Chaplin, on peut parler de choses très profondes de manière joyeuse. Le film nous distrait et nous amuse, poursuit la comédienne. Même si on y reconnaît notre dysfonctionnement collectif, on voit aussi notre capacité à évoluer et grandir. Après avoir vu le film, j’avais l’impression d’avoir éveillé ma conscience. On a accès à des choses très profondes à travers le divertissement. Puis, le cinéma d’Albert Dupontel est très généreux. C’est comme aller dans un restaurant gastronomique avec plein de services, chaque scène est un petit plat jubilatoire. Que ce soit la direction d’acteur, le regard posé sur la société et la réflexion que ça suscite ou la mise en scène, c’est du grand cinéma.”
Si le film, situé dans une arène politique, questionne la responsabilité des élus et les moyens de changer les choses quand on est au pouvoir, Cécile de France souligne que “ce n’est pas pour autant un film qui fait la morale, c’est plus élevé que ça. Même si c’est vrai que le film dresse une sorte d’état des lieux de ce qui se passe aujourd’hui. On a beaucoup parlé avec Albert du théâtre d’Ariane Mnouchkine ou d’Antoine Vitez, de Chaplin bien sûr. Ce côté mélodrame de l’humanité mais en riant, avec quelque chose de joyeux. C’est ça qui nous rassemble, il y a quelque chose de guérisseur, de libérateur dans le rire.”
Le rire, justement, parlons-en. Est-ce que la comédienne, qui a récemment largement exploré sa corde sensible, ne se sent pas l’envie d’arpenter un peu plus souvent les territoires de la comédie? “C’est vrai que je n’ai pas fait assez de comédies à mon goût. En me voyant dans le film, je me suis dit: mais c’est génial d’être drôle! J’étais très heureuse qu’Albert me confie la mission de faire rire les gens. C’est un beau rôle dans ce métier. Mais je n’ai pas le souvenir d’avoir reçu tant de propositions de comédies qui m’aient plu. Quand on se dirige vers des films qui portent des messages forts, il n’est pas impossible que les cinéastes n’osent plus trop nous proposer des comédies. Je savais qu’avec Albert, ce serait de la comédie d’excellence. Pour moi, Second tour est un film extrêmement intelligent, qui allie message et rires.”
Notre critique de Second tour **(*)
Une comédie d’Albert Dupontel. Avec Cécile de France, Albert Dupontel, Nicolas Marié. 1 h 35. Sortie: 01/11.
Mademoiselle Pove n’a pas sa langue dans sa poche, et ça pourrait plutôt bien tomber puisqu’elle est journaliste. Sauf qu’elle travaille pour une chaîne d’info à la solde du grand capital, et qu’après un reportage trop engagé, elle a été rétrogradée au foot. À la faveur d’un accident, elle est parachutée au suivi de la campagne présidentielle, et a déjà son avis sur le favori. “Il est tout lisse… Qu’est-ce qui le motive ce connard?” Il faut dire que Pierre-Henry Mercier est une énigme, lui aussi parachuté, en politique. Dépourvu de toute aspérité, il glisse comme une anguille vers l’Élysée. Accompagnée de son cameraman, Mademoiselle Pove va se lancer dans une enquête qui l’emmènera bien plus loin que prévu… Albert Dupontel revient avec un film en demi-teinte qui lorgne le thriller politique, avec tous les atours de la comédie satirique, mais moins grinçant qu’on ne l’espérait. Sur fond d’urgence écologique, la classe politique française contemporaine est ici renvoyée à ses compromissions, ses petits arrangements et ses grandes lâchetés. À mi-chemin entre le chevalier blanc et le cheval de Troie, Pierre-Henry Mercier prône l’infiltration du système pour mieux le dynamiter de l’intérieur. Mais est-ce vraiment possible? On retrouve dans Second tour l’esthétique cartoonesque de Dupontel, qui témoigne pour certains de sa sincérité et de son originalité. Si plusieurs traits d’humour font mouche (comme le cameraman qui a appris à lire sur les lèvres les insultes en de nombreuses langues en regardant des matches de foot), le tout reste peu nuancé, voire très démonstratif. Quant à la posture du héros sacrificiel endossée par le cinéaste et acteur, elle peine à convaincre, même si le duo Cécile de France-Nicolas Marié fait sourire à l’occasion.
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