Dramaturge et metteuse en scène new-yorkaise aux propositions théâtrales résolument teintées de politique, Tina Satter adapte sa propre pièce Is This a Room dans ce saisissant premier long métrage qui retrace la véritable arrestation, en 2017, d’une jeune lanceuse d’alerte soupçonnée d’avoir divulgué un document classifié en lien avec les ingérences russes dans l’élection présidentielle remportée par Donald Trump quelques mois plus tôt. Reality Winner, 25 ans, vient d’aller faire quelques courses quand une poignée d’agents du FBI débarque devant son domicile avec un mandat de perquisition et une batterie de questions insidieuses qui distillent peu à peu un inconfort latent. Commence alors un étrange jeu du chat et de la souris entre ces hommes aux manières insistantes et cette linguiste employée par la NSA (National Security Agency) à l’attitude assez indéchiffrable…
Film-dispositif à la mise en forme précise, implacable, voire même clinique, Reality s’appuie de façon absolument fidèle sur les mots couchés dans la retranscription de l’authentique interrogatoire mené par le FBI à l’époque des faits. En résulte un objet aux enjeux d’abord déroutants qui se décante beaucoup dans les regards, les silences et les non-dits. Brillamment interprété, le film convoque quelques gimmicks visuels un peu gadgets mais excelle surtout à faire ressentir le malaise et la peur de l’intérieur. Une stimulante réflexion sur la démocratie aux accents anxiogènes presque lynchéens.