
Rami Malek face à Laurence Fishburne dans The Amateur: «Pour ce rôle, j’ai surtout beaucoup couru»
Dans The Amateur, Rami Malek, oscarisé pour son interprétation du chanteur de Queen Freddie Mercury, se glisse dans la peau d’un agent de la CIA. Sa principale arme: son intelligence.
Même s’il est, depuis son rôle principal dans Bohemian Rhapsody, le meilleur Freddie Mercury depuis que Freddie Mercury a cessé d’être Freddie Mercury, Rami Malek n’arrive pas à notre rendez-vous vêtu d’un marcel blanc. Il ne porte pas non plus le sweat à capuche qui l’a réchauffé pendant quatre saisons dans Mr. Robot. Il est vêtu d’un pantalon et d’un polo bruns, avec à son poignet une montre classique, brune elle aussi. Nivreau flamboyance: zéro. Ce qui correspond plutôt bien à son personnage dans le thriller d’espionnage The Amateur. L’acteur américain d’origine égyptienne y incarne Charlie Heller, un petit génie introverti qui, depuis un sous-sol, collecte des informations pour la CIA. Après l’assassinat de sa femme, il demande au colonel Henderson (interprété par Laurence Fishburne) de faire de lui un agent spécial, afin de traquer les coupables dans les plus belles villes d’Europe. Mais il n’est même pas capable d’écraser une mouche.
Avec The Amateur, Rami Malek revient au premier plan, après avoir joué des rôles secondaires dans Amsterdam de David O. Russell, Oppenheimer de Christopher Nolan, et bien sûr après avoir incarné le méchant Lyutsifer Safin qui a mis fin aux jours de James Bond dans No Time to Die.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez d’abord éliminé James Bond, et voilà que vous endossez à votre tour un rôle d’espion.
Rami Malek: Je me souviens que quelqu’un m’a demandé, après No Time to Die: «Pourquoi tu ne pourrais pas être le prochain James Bond?» Il n’en était évidemment pas question. Je suis le méchant qui l’a tué. Et puis, je ne suis pas britannique. Je suppose que Bond restera toujours un rôle réservé à un acteur britannique.
Était-ce un rêve d’enfant d’être le héros d’un thriller d’espionnage?
Rami Malek: Non, je me suis surpris moi-même. Pour une raison ou une autre, l’occasion ne s’était encore jamais présentée. Mais quand j’ai lu The Amateur (NDLR: un roman d’espionnage de Robert Littell), j’y ai vu une opportunité de raconter une histoire du point de vue de quelqu’un qui est profondément sous-estimé. Et cela le rend immédiatement attachant. On peut facilement s’identifier à lui. Charlie Heller est un héros inattendu. Il n’est peut-être pas capable d’éliminer quelqu’un avec une arme à feu ou à coups de poings, mais il peut le faire avec son intelligence. Et la manière dont il y parvient est en réalité encore plus effrayante. J’ai trouvé cela ingénieux, unique, et taillé pour le grand écran.
Son cerveau est son arme, mais il y a tout de même des combats, des poursuites et des explosions dans le film. Comment avez-vous vécu cela?
Rami Malek: J’ai un peu d’expérience en matière de cascades, mais j’en suis arrivé à un point où je les évite autant que possible et je laisse les cascadeurs faire leur travail. De temps en temps, je devais quand même être projeté contre un mur ou jeté par-dessus un bureau. J’ai surtout beaucoup couru. À Paris, Marseille, Istanbul… courir partout. Et en plus, il a fallu beaucoup courir pour pouvoir justement courir partout. C’est ça qui a été le plus éprouvant.
Que voulez-vous dire par là?
Rami Malek: On voulait faire un film pour le grand écran. Pas un de ces films que l’on peut tout aussi bien streamer, regarder dans un avion ou sur ton téléphone. Ça signifie qu’il faut le voir en grand, et qu’on ne peut pas rechigner à faire des efforts supplémentaires. Parfois, on passait si vite d’une ville à l’autre que, le matin, en me réveillant, je ne savais plus où j’étais ni ce qui était prévu pour la journée. À un moment, ça devenait surréaliste.
Parfois, on passait si vite d’une ville à l’autre que, le matin, en me réveillant, je ne savais plus où j’étais ni ce qui était prévu pour la journée. À un moment, ça devenait surréaliste.
Rami Malek
Avec quelques clics de souris, votre personnage peut tout savoir sur quelqu’un grâce à des caméras de surveillance, des dossiers secrets et d’autres données sensibles. Devons-nous nous en inquiéter?
Rami Malek: Moi, je m’en inquiète depuis longtemps. Depuis Mr. Robot, je suis ce sujet de près. Je me souviens à quel point j’ai été choqué par Citizenfour, le documentaire sur le lanceur d’alerte Edward Snowden. Et les choses n’ont fait qu’empirer depuis. C’est incroyable tout ce qu’on peut récolter comme informations sur chacun d’entre nous. Il faut être bien naïf pour croire que les données privées sont encore en sécurité ou protégées. La vie privée, c’est du passé.
Vous êtes dans le métier depuis des années. Vous arrive-t-il encore de vous sentir comme un amateur? Avez-vous encore le trac au premier jour du tournage?
Rami Malek: Le premier jour, c’est toujours une cacophonie d’émotions. Je fais mes devoirs, bien sûr, mais cela ne veut pas dire que je sais exactement à quoi m’attendre. Et je préfère ne pas le savoir, en fait. Il faut un peu de tension, un peu d’espace pour bouger. Il faut garder une certaine curiosité pour ce qui va arriver.
Je viens de jouer dans une pièce de théâtre (NDLR: Œdipus, à Londres). C’est totalement différent. On répète encore et encore, puis on joue encore et encore, à tel point que presque tout devient prévisible. Moi, je suis attaché à la spontanéité de l’instant, au plaisir de découvrir ce que la journée réserve: où se placera la caméra, ce que proposeront les partenaires de jeu, à quoi ressemblera le décor. Tous ces points d’interrogation vous maintiennent en alerte. Ils vous rendent un peu nerveux, mais c’est bien. Cela garde les scènes fraîches et vivantes. On doit rester affûté et développer sa confiance en soi pour traverser tout cela.
Vous êtes coproducteur de The Amateur. Est-ce un one-shot ou souhaitez-vous continuer dans cette voie?
Rami Malek: J’essaie d’évoluer autant que possible dans ce métier. En tant qu’acteur, je ne me suis presque jamais replié dans ma loge. Je préfère rester sur le plateau pour observer comment travaillent les chefs opérateurs. C’était fantastique de pouvoir observer quelqu’un comme Chivo (NDLR: le surnom d’Emmanuel Lubezki, le chef opérateur derrière The Revenant, The Tree of Life, Children of Men). The Amateur a été une occasion en or de voir de près des talents comme Martin Ruhe (chef opérateur de Control et The Midnight Sky) ou Maria Djurkovic (cheffe décoratrice de Red Sparrow) à l’œuvre. Et pour répondre à votre question: c’est un vrai bonheur d’avoir voix au chapitre dans la composition d’une équipe, le choix du bon réalisateur, ou encore les négociations avec le studio. Bien sûr, c’est agréable aussi, en tant qu’acteur, de ne devoir se concentrer que sur son jeu. Mais parfois, j’ai envie de prendre plus de responsabilités.
Pour le rôle du colonel Henderson, vous avez enrôlé Laurence Fishburne, célèbre pour Apocalypse Now et The Matrix.
Rami Malek: Cela faisait un moment que nous voulions travailler ensemble. Avoir la chance de jouer avec une telle légende, c’est un immense cadeau. Rien que ça, ça me donne le sentiment d’avoir une vie riche. Regardez sa filmographie et toutes les vies qu’il a déjà incarnées. J’aimerais pouvoir lui voler son cerveau. C’est une mine d’histoires, d’expérience et de sagesse.
Dans le film, le personnage de Fishburne fait bien comprendre au vôtre qu’il est un tireur médiocre et un mauvais combattant. Avez-vous reçu récemment vous-même des leçons de vie utiles?
Rami Malek: Tous les jours, oserais-je dire. L’un des conseils les plus marquants me vient de l’époque où j’étais stagiaire lors d’une conférence de dramaturges, et où j’ai pu approcher August Wilson (NDLR: l’auteur de Barrières, Ma Rainey’s Black Bottom et The Piano Lesson). Je le voyais fumer sans arrêt, donc j’avais toujours des cigarettes sur moi à lui proposer, dans l’espoir de lui soutirer quelques conseils au passage.
Et ça a marché?
Rami Malek: Il m’a conseillé de ne jamais emprunter deux fois le même chemin pour rentrer chez moi ou aller à l’hôtel. «Choisis toujours d’autres rues, m’a-t-il dit. Prends toujours un autre itinéraire.» C’est comme ça qu’on voit et qu’on vit le plus de choses.
The Amateur
Thriller de James Hawes. Avec Rami Malek, Laurence Fishburne, Rachel Brosnahan. 2h03.
La cote de Focus: 1,5/5
Au quartier général de la CIA, peu de gens respectent Charlie Heller, cryptographe astucieux mais introverti. Pourtant, lorsque sa femme est brutalement tuée lors d’un attentat, le jeune homme sort les griffes et décide de s’occuper lui-même des coupables, quitte à s’aliéner son agence. S’ensuit alors un récit de vendetta d’un classicisme lénifiant: cibles à abattre, traque aux quatre coins du globe, trahisons en cascade, etc. On pourrait pardonner cette prévisibilité si le cinéaste James Hawes parvenait à rendre ce petit exercice d’espionnage ludique. Hélas, les scènes de tension et d’action, censées être le noyau dur d’un tel projet, se révèlent pataudes, exécutées sans malice. À l’image de Rami Malek, qui rejoue mécaniquement sa partition geek et asociale de Mr. Robot, The Amateur n’est tout simplement pas inspiré.
Julien Del Percio
Laurence Fishburne, le mentor
Le principal partenaire de jeu de Rami Malek dans The Amateur, c’est Laurence Fishburne, qui à 14 ans jouait déjà dans Apocalypse Now, compte parmi les comédiens fétiches de Francis Ford Coppola et Spike Lee et a acquis une renommée mondiale en incarnant Morpheus dans The Matrix.
Dans le film, il incarne un colonel aguerri de la CIA, chargé de transformer le personnage de Malek en homme d’action (mission impossible) et ensuite de l’éliminer (autre mission impossible).
«Nous avons découvert que, Rami et moi, nous nous ressemblons beaucoup sur le plan personnel, raconte-t-il. Nous sommes tous les deux animés par une grande curiosité pour la complexité du monde et de l’être humain. Ce qui relie nos carrières, c’est cette quête permanente de quelque chose de différent de ce que nous avons déjà fait.»
Quant aux scènes d’action, elles ne l’impressionnent plus après sa participation aux franchises Matrix et John Wick. «Mon grand ami Keanu Reeves est un phénomène, vraiment. Mais en réalité, il vaut mieux suivre les cascadeurs. Mon mot d’ordre, c’est: laissez ces gars-là faire le sale boulot, et suivez leurs instructions quand il faut passer aux choses physiques. The Amateur n’était pas aussi éprouvant qu’un film Marvel ou Matrix, mais il fallait quand même rester concentré.»
Pour Rami Malek, Laurence Fishburne est une «divinité». Mais ce dernier reste modeste:
«Avec notre métier et la façon dont on est perçus, on donne vite l’impression d’être à part, déconnectés du réel. J’essaie de vivre le plus normalement possible, dans le vrai monde. Je fais moi-même mes courses.»
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici