Quand tu seras grand: choc des générations dans un Ehpad
Dans Quand tu seras grand, Andréa Bescond et Éric Métayer s’invitent dans un Ehpad dont le quotidien est bousculé par l’arrivée d’une classe d’enfants. Manière d’infuser le drame social de légèreté
Quatre ans après des Chatouilles à coloration autobiographique puisque inspirées de l’enfance abusée de la réalisatrice, le tandem Andréa Bescond-Éric Métayer est de retour avec un Quand tu seras grand d’essence différente. Au cœur du propos cette fois, une maison de retraite dont le personnel surmené va voir arriver non sans appréhensions -cristallisées autour du personnage de Yannick (Vincent Macaigne), un aide-soignant généreux mais tendance soupe au lait- une classe d’enfants et leur animatrice, Aude (Aïssa Maïga), “délocalisés” pendant la réfection de la cantine de leur école. De quoi, on l’imagine, bousculer le quotidien de l’institution…
“L’idée du film nous est venue en allant voir ma grand-mère en Ehpad, commence la réalisatrice, alors qu’on rencontre le duo en janvier à Paris dans le cadre des Rendez-Vous Unifrance. Nous avons deux enfants, qui étaient assez petits, et on s’est rendu compte de l’impact positif que leur présence générait sur les personnes âgées. Et puis, comme on a été sensibles aux conditions de travail des personnes soignantes en Ehpad, qu’on a beaucoup discuté et qu’on s’est documentés, on s’est dit que ça pourrait être intéressant de faire un film sur le sujet, qui englobe le rapport de la jeunesse et de la vieillesse, avec au centre des adultes qui se démènent.” “Le cinéma qui nous intéresse a une dimension sociale, et embrasse des sujets de société, renchérit Éric Métayer. Quand on a commencé à travailler sur le scénario, il n’y avait pas encore eu de bouquins comme Les Fossoyeurs (de Victor Castanet), mais c’était déjà dans l’air du temps qu’il y avait un vrai problème…”
Assorti d’une prise de conscience, et ce n’est sans doute pas un hasard si, longtemps reléguée aux marges du cinéma, la fin de vie en est devenue l’un des enjeux, décliné sous des formes diverses de Tout s’est bien passé de François Ozon, en Vortex de Gaspar Noé, en passant par Un beau matin de Mia Hansen-Løve. “Il y a des convergences d’idées, observe Andréa Bescond. Quand on a commencé à écrire, il y avait quand même eu la lumière sur les manquements des Ehpad, et puis la crise du Covid, où les personnes âgées ont été complètement isolées. C’est un peu le rôle de l’artiste, ça participe de son travail de mettre en exergue ce sujet, et de parler des personnages âgés qui se trouvent un peu abandonnés en l’occurrence.”
Du côté des exclus et des oubliés
Histoire de poser la situation, Quand tu seras grand débute du côté du constat social, montrant notamment les conditions dans lesquelles doit évoluer un personnel soignant au bord de la rupture. Et signifiant, au passage, le désinvestissement des autorités tant au niveau de l’accueil des personnes âgées que des écoles, souffrant d’un même manque criant de moyens, humains comme financiers. “L’envie était de parler des oubliés des deux côtés, parce tant qu’on est dynamique dans une société, on sert à quelque chose et on est pris en compte. Mais quand on n’en est pas encore là, où quand on ne l’est plus, on ne s’intéresse pas à nous, poursuit Eric Métayer. Il y a une partie de la société qui fonctionne -façon de parler, parce qu’on voit bien qu’il y a beaucoup plus de problématiques que ça- mais d’un bout à l’autre, il y a ces exclus ou ces oubliés. Ou aurait pu signifier beaucoup plus le délabrement, mais on a essayé d’être un peu plus ouverts, et de laisser le spectateur aussi se faire une opinion.”
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Ce qui fait d’ailleurs la singularité et la réussite du projet, c’est que les réalisateurs ont veillé à y instiller une dose de légèreté, l’entraînant du côté de la fable à travers la relation entre un pensionnaire, Yvon (Christian Sinniger), et un gamin solitaire, Brieuc (Kristen Billon). “On aime bien, dans n’importe quelle situation, qu’il y ait cette espèce de légèreté à un endroit où elle ne devrait pas se trouver obligatoirement, poursuit-il. Ces moments légers qui existent dans des gouffres ou des difficultés. On a eu envie de faire un film de vie plutôt qu’un film qui ne soit que le constat.” “Et on avait envie de parler de l’amitié, enchaîne Andréa Bescond. Les enfants qui débarquent, c’est quasiment un prétexte pour montrer l’espoir d’amitié et de fraternité, même avec 60 ans de différence d’âge. On voulait fédérer avec ce film, on avait envie d’un peu de douceur entre les humains après cette période très difficile que le monde entier a traversée.” Un credo que Quand tu seras grand décline sans verser dans l’angélisme, le film n’étant pas dénué d’aspérités, même s’il veille à ménager à ses personnages un espace pour se libérer et s’épanouir, à la danse des Chatouilles répondant aujourd’hui le chant ou le skate: “Je ne sais pas trop si c’est conscient chez nous, mais effectivement ça compte, opine la cinéaste: passer par l’extérieurpour cleaner ce qu’on a dans nos têtes, que ce soit le sport ou l’art.”
Quand tu seras grand
Le jour où le personnel débordé d’une maison de repos voit débarquer les élèves d’une école voisine, venus partager la cantine, la surprise le dispute à la nervosité. Entre les pensionnaires et les enfants, une connivence s’installe cependant, qui va bousculer le quotidien des uns et des autres. Avec Quand tu seras grand, Andréa Bescond et Éric Métayer, le duo des Chatouilles, s’emparent d’une question sensible, celui des Ehpad, avec leur manque de moyens et de personnel déteignant inévitablement sur leurs résidents. S’ils en posent clairement les enjeux, les auteurs veillent toutefois à relever le constat social d’une dose de légèreté bienvenue, par la grâce notamment d’un choc des générations porteur de possibles, Vincent Macaigne, en aide-soignant fan de Rammstein, ajoutant au conte un grain de folie…
D’Andréa Bescond et Éric Métayer. Avec Vincent Macaigne, Aïssa Maïga, Christian Sinniger. 1 h 39. Sortie: 17/05. ***1/2Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici