Que faire quand les scandales de contamination de l’eau du réseau de distribution aux Pfas se multiplient? Certainement pas se résigner, comme le démontrait Erin Brockovich, une héroïne comme on n’en avait jamais vu à Hollywood.
Dès les premières secondes où elle apparaît en gros plan, face caméra, on pense avoir cerné le personnage: brushing des grands jours, maquillage prononcé, décolleté plongeant, robe courte mettant ses longues jambes en valeur… Le kit complet de la «cagole», comme on dit dans le sud-est de la France. Julia Roberts nous referait-elle le coup, dix ans après, de l’escort girl à la Pretty Woman, le film qui a fait d’elle une star et qui reste à ce jour son plus gros succès au box office? Détrompez-vous: Erin Brockovich est bien différente de Vivian Ward. Et ce rôle apportera à Julia Roberts la consécration ultime: l’Oscar de la meilleure actrice.
Long métrage sorti en 2000 et réalisé par Steven Soderbergh (après Sexe, mensonge et vidéo, mais avant Ocean’s Eleven, Solaris et Traffic), Erin Brockovich, seule contre tous n’est pas une comédie romantique mais un film de procès basé sur des faits réels. Et puis, Erin n’est pas du genre à rêver au prince charmant –aaah, cette séquence finale où Richard Gere arrive en limousine blanche et lutte avec son vertige pour rejoindre sa belle en haut de l’escalier de secours– mais plutôt à remonter les bretelles de son prétendant s’il fait trop de bruit avec sa Harley Davidson et risque de réveiller sa marmaille.
Cette true story presque trop belle pour être vraie relate le parcours du combattant d’une mère célibataire avec trois enfants dont un bébé, sans diplôme ni qualifications mais dotée d’un franc-parler et de culot, qui va se débrouiller pour parvenir à ses fins et faire triompher la justice. Erin, c’est David contre Goliath, en l’occurrence les habitants de Hinkley, un bled de Californie, contre la société Pacific Gas & Electric Company (PG&E) –l’entreprise existe toujours et fournit de l’énergie à plus de cinq millions de clients– qui a empoisonné pendant des décennies l’eau des réseaux locaux au chrome hexavalent, une substance écotoxique et cancérigène.
«A quand un biopic sur les lanceurs d’alerte de chez nous?»
Erin Brockovich est la preuve vivante qu’à force de ténacité et en étant animés de bonnes intentions, les petits peuvent l’emporter sur les grands. Vingt ans plus tard, Mark Ruffalo portera, comme acteur et producteur, Dark Waters, réalisé par Todd Haynes, autre film de procès basé sur des faits réels: le combat de longue haleine mené par l’avocat américain Robert Bilott contre l’entreprise chimique DuPont, coupable d’avoir contaminé les eaux de Parkersburg, en Virginie-Occidentale, à l’acide perfluorooctanoïque, utilisé pour les revêtements antiadhésifs de sa marque Téflon.
En 2023, le réalisateur français Just Philippot allait un cran plus loin, dans la fiction cette fois, en imaginant un futur pas si lointain où la pluie serait tout à coup si acide qu’elle en deviendrait directement meurtrière. Faudra-t-il attendre d’en arriver là pour réagir? Et à quand un biopic sur les lanceurs d’alerte de chez nous, comme le Belge Thomas Goorden, qui a fait éclater au grand jour le scandale de pollution aux Pfas par 3M près d’Anvers, ou le chercheur français Gaspard Lemaire, qui a enquêté sur une contamination au chlorure de vinyle monomère concernant potentiellement 140.000 kilomètres de canalisations en PVC et 600.000 personnes? Avis aux scénaristes…
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