Onward, le voyage fantastique
Nouveau long métrage des studios Pixar, Onward (En avant) mêle banlieue américaine et univers de fantasy dans un récit échevelé expédiant deux frères elfes dans une quête initiatique. Explications avec le réalisateur, Dan Scanlon, et la productrice Kori Rae.
« Keep surprising us« , ne cessait de marteler la directrice de l’établissement fréquenté par Bob et Sulli dans Monsters University, le précédent long métrage de Dan Scanlon. Un précepte bien compris par le réalisateur qui, avec Onward, s’attèle à un modèle inédit, déployant un univers de fantasy dans une banlieue américaine contemporaine. C’est là, à New Mushroomton précisément, que l’on découvre Ian et Barley, deux frères elfes très différents -le premier, réservé et emprunté; le second, bravache et excessif-, que les circonstances vont réunir dans la quête de leur père disparu prématurément. Une trame de départ dont Scanlon, arrivé chez Pixar à l’époque de Cars, en 2006, a puisé la sève dans sa propre expérience. « Le film découle de mon histoire personnelle, confie-t-il. Mon frère et moi avons perdu notre père très jeunes, et je corresponds vaguement à Ian, le cadet, timide et maladroit, alors que lui, s’il est également plutôt réservé et ne ressemble donc pas tout à fait à Barley, en est néanmoins proche par le soutien qu’il m’a apporté comme par l’amour inconditionnel et la prévoyance dont il m’a entouré. Barley est le fruit d’une dramatisation de ses qualités: quid si mon frère avait été un peu plus difficile à aimer? Quid si ses tentatives pour aider étaient surtout, in fine, génératrices de problèmes? » Des questions dans lesquelles le film tire une partie de son carburant, manière de tendre un peu plus un ressort narratif qui va expédier le duo en quelque voyage initiatique, formule magique tenant lieu de promesse de renaissance à l’appui.
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Un hybride inhabituel
Il est à cet égard piquant de voir Pixar, le studio ayant propulsé le cinéma d’animation à l’ère numérique, produire un film dont l’un des postulats est que la technologie aurait tué la magie. Un constat à considérer avec un indispensable recul, assure le réalisateur: « Onward n’est pas le moins du monde un film anti-technologie: cette dernière est de toute évidence magique, et permet la réalisation de films qui le sont également. Tout est question d’équilibre: la technologie rend beaucoup de choses possibles, quant à la magie, elle intervient pour permettre à ces personnages de réaliser leur potentiel. C’est vraiment une métaphore pour Ian, ce gamin timide et peu sûr de lui, pour qui elle représente ce petit effort supplémentaire à mettre dans ce que l’on entreprend pour pouvoir être soi-même surpris par ce dont on est capable. Nous tenions à ce qu’elle n’apparaisse pas exclusivement comme surnaturelle, mais aussi comme un élément rendant la vie plus facile. »
En accord, en tout état de cause, avec un univers convoquant un imaginaire de fantasy, aux elfes, fort humains au demeurant, s’ajoutant des centaures, cyclopes, fées et autre dragon, ce dernier fait de briques de récupération, croisement de deux mondes oblige. Soit un hybride inhabituel, et un domaine dans lequel le studio ne s’était pas encore aventuré. « Une fois acquis qu’il serait question de ramener le père de Ian et Barley à la vie pour un jour, il fallait déterminer comment procéder. La magie s’est imposée, et la dimension fantastique en a découlé quand nous avons réfléchi au contexte dans lequel une telle histoire pourrait se produire, souligne la productrice, Kori Rae. Nous n’avons toutefois pas voulu accentuer le côté monde imaginaire, parce qu’il s’agit après tout d’une histoire moderne traitant de la relation entre deux frères. »
Passée la surprise initiale, les deux univers fusionnent d’ailleurs harmonieusement, la dimension fantastique s’estompant au profit de sentiments forts, au fil de ce qui s’assimile aussi à un road-movie. « Nous avons regardé beaucoup de films de fantasy, des bons comme des mauvais, ces derniers se révélant parfois plus utiles, moins pour y chercher des choses précises que pour les idées générales sous-tendant les récits de quête, les passages obligés comme l’arrivée à la taverne où les personnages vont devoir trouver une carte et des armes, etc. Des éléments familiers des spectateurs que nous pouvions nous amuser à tordre un peu« , relève Dan Scanlon. De même si Onward recourt volontiers aux figures de la mythologie, c’est pour, le plus souvent, modifier leur profil initial -dans ce monde dont la magie se serait détournée sous les attaques de la modernité, les fées seront ainsi un gang de motardes et le centaure un shérif débonnaire (par ailleurs beau-père des deux frères), parfaitement intégrés, ou peu s’en faut, au paysage.
Pas les personnages les plus improbables à apparaître à l’écran, du reste, la magie pouvant parfois avoir des effets inattendus que l’on se gardera de déflorer ici, l’animation offrant à cet égard des possibilités infinies. Une brèche dans laquelle les créateurs se sont engouffrés non sans délectation, le film se révélant par ailleurs bluffant techniquement, en matière de finition notamment. « En termes de photoréalisme, nous en sommes à nous demander si la qualité que nous pouvons désormais obtenir correspond aussi à ce que nous voulons. Ça ne sert à rien d’aller trop loin non plus, il faut toujours veiller à ce que ça reste des cartoons, uniques. »
L’émotion d’abord
Outre leur accomplissement technique, la réussite des films produits par le studio d’Emeryville tient évidemment à la qualité de leurs scénarios. S’il s’agit sans doute d’un opus mineur comparé à Toy Story ou autre Up, Onward ne déroge pas à la règle qui, parti sur les bases d’un rollercoaster animé comme il s’en produit désormais de nombreux, charrie également des émotions profondes à mesure qu’il se resserre sur des enjeux très humains. Le fait qu’il s’inspire d’une histoire vraie n’y est bien sûr pas étranger. Maintenir un tel cap dans une entreprise à haute valeur technologique impliquant des centaines de collaborateurs n’en relève pas moins de la gageure. « En tant que réalisateur et coauteur, il est essentiel de « pitcher » l’histoire encore et encore à chaque personne rejoignant l’équipe, de façon à ce qu’elle leur parle et que ces personnes soient en mesure d’y greffer leur propre histoire, explique Dan Scanlon. Ça vaut aussi pour les animateurs de personnages secondaires ou pour les artistes story-boarders. S’ils sont émus au moment où on leur présente l’histoire, elle sera susceptible d’éveiller des souvenirs personnels et ils pourront l’emmener un peu plus loin. Après, une fois leur travail accompli, mon boulot est de voir avec eux si on ressent l’émotion ou non et d’agir en conséquence. Il peut arriver que des émotions éprouvées lors de l’écriture et du story-board d’une scène aient disparu au montage, et il faut en déterminer la raison, voir pourquoi ça ne fonctionne pas. C’est pour cette raison que le processus créatif s’étire sur six ans. Et parfois, on a de bonnes surprises: il arrive que des scènes que l’on pensait simplement drôles aillent dans des endroits que l’on ne soupçonnait pas. » En avant, donc, et pourquoi pas « Jusqu’à l’infini et au-delà« , ligne d’horizon esquissée par Toy Stoy, le premier long métrage sorti des studios Pixar il y aura tout juste 25 ans en novembre prochain. Un film à l’attrait inoxydable: « J’espère que nous allons continuer à produire des histoires incroyables, en nous concentrant sur les personnages et la qualité des scénarios conclut Kori Rae. Toy Story tient toujours la route, et mon rêve est qu’Onward reste pertinent dans 25 ans… »
Toy Story, de John Lasseter, 1995
Premier long métrage sorti du studio, Toy Story fait basculer l’animation dans l’ère des images de synthèse. Et ajoute à une exceptionnelle maîtrise technique la qualité de l’écriture, l’histoire de Woody, pantin au look de cow-boy craignant de se voir supplanter dans le coeur d’Andy, le petit garçon, par l’arrivée de Buzz l’Éclair, charriant son lot d’émotions. Une réussite majeure qui, non contente d’ouvrir « vers l’infini et au-delà », engendrera trois suites, toujours avec un égal bonheur.
Finding Nemo, d’Andrew Stanton et Lee Unkrich, 2003
Après avoir fait ses armes aux côtés de John Lasseter sur 1001 pattes, Andrew Stanton signe, en 2003, Finding Nemo, l’histoire de Marin, un poisson-clown timide se lançant dans une folle aventure après que son fils Nemo a disparu dans les eaux de la Grande Barrière de corail. Une entreprise dans laquelle il recevra le concours de Dory, un poisson-chirurgien. La maîtrise technique est mise au service d’un film à la saisissante beauté et d’un récit aussi palpitant qu’émouvant. Magique.
Wall-E, d’Andrew Stanton, 2008
Période faste pour le studio qui, après Nemo, aligne The Incredibles, Cars, Ratatouille et WALL-E, pas moins. Derrière ce titre se dissimule un petit robot-concasseur d’ordures ayant fort à faire sur une planète Terre laissée à l’état de décharge par ses anciens occupants. Moment où débarque Eve, un robot de la plus belle essence envoyé là en mission top secrète. De quoi mettre les circuits de WALL-E sens dessus dessous au gré d’une fable alliant puissance formelle, audace narrative et enjeux écologiques.
Inside Out, de Pete Docter, 2015
Signé Pete Docter, auteur précédemment du non moins remarquable Up, Inside Out voyait Pixar renouer avec ses fondamentaux après le fléchissement relatif du début des années 2010, combinant intelligence de l’écriture et animation aventureuse. Et pour cause, le film se risquant dans l’esprit d’une fillette qui vit non sans peine le déménagement de sa famille à San Francisco, situation que vont tenter de gérer ses cinq émotions fondamentales depuis les hauteurs de son Quartier Cérébral. Un pur régal.
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