Mufasa: Le Roi lion, le nouveau Disney plus vrai que nature: « Le scénario m’a profondément touché »

Ce nouveau Roi lion raconte l’histoire de Mufasa, le père de Simba. © 2024 Disney Enterprises Inc. All Rights Reserved.

Le réalisateur oscarisé Barry Jenkins prend une direction inattendue en signant le préquel du classique de Disney, The Lion King, en version photoréaliste. Hakuna matata ou trahison artistique?

Barry Jenkins s’est fait connaître du monde entier en 2017 en décrochant plusieurs Oscars pour Moonlight, drame qui retraçait trois périodes-clés de la vie de Charon, enfant puis ado des quartiers sinistrés de Miami. Le réalisateur américain est devenu un habitué des circuits du cinéma d’auteurs, signant successivement le film If Beale Street Could Talk, adapté du roman de James Baldwin, et la série The Underground Railroad, adaptée elle du roman de Colson Whitehead, Prix Pulitzer de la Fiction en 2017. Des œuvres complexes, aux thématiques chargées, profondément émotionnelles. Loin, très loin, de l’univers Disney. Et pourtant, c’est lui que l’écurie Disney a invité à réaliser Mufasa: The Lion King, le préquel du Roi lion centrée sur la jeunesse du père de Simba, Mufasa. Jenkins lui-même avoue avoir cru qu’il s’agissait d’une méprise lorsqu’il a reçu la proposition.

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Mais Disney tirait là les leçons des critiques émises à l’égard du remake en animation photoréaliste The Lion King sorti en 2019: techniquement impressionnant, le film manquait selon certains de la magie et de l’émotion du dessin animé original. Barry Jenkins, passé maître dans l’art de susciter l’empathie, était un choix pertinent. Et les deux parties ont trouvé un terrain d’entente.

Avez-vous immédiatement accepté la proposition de Disney pour Mufasa: The Lion King? Ce projet semble bien éloigné de vos œuvres précédentes.
J’ai d’abord pensé que c’était une erreur. Au cours de l’été 2020, en plein confinement, Disney m’a fait parvenir le scénario ultra confidentiel du film. À l’époque, je m’apprêtais à partir en road trip avec ma compagne, la réalisatrice Lulu Wang (elle aussi réalisatrice, notamment de The Farewell, NDLR). J’ai dit à mes agents: « Hors de question, je pars en vacances. » Après notre voyage, Lulu m’a poussé à lire quelques pages du scénario. J’ai commencé à lire dans mon lit, et après 45 pages, je lui ai dit: « Holy shit, c’est vraiment bien!« 

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Qu’est-ce qui vous a convaincu?
Je ne peux pas nier que le scénario m’a profondément touché. Ma seule raison de refuser aurait été par pur scepticisme: quelqu’un comme moi, habitué aux films d’auteur, n’est pas censé accepter un projet Disney. Mais c’était une mauvaise raison. Et donc, à mon propre étonnement, j’ai dit oui. Ce qui a certainement joué, c’est que je garde de bons souvenirs de toutes les fois où j’ai regardé Le Roi lion avec mes cousins quand j’étais jeune. Intuitivement, j’ai senti qu’après huit années passées à travailler sur des projets émotionnellement épuisants comme The Underground Railroad, j’avais besoin de quelque chose de tout à fait différent.

Effectivement, la série The Underground Railroad est une confrontation brutale avec le sombre passé esclavagiste des États-Unis. Pas vraiment du Disney…

Honnêtement, après The Underground Railroad, j’ai connu une période très difficile, où j’étais submergé par des pensées très sombres. Il était crucial pour ma santé mentale de ne pas m’engager pendant encore trois ans dans une série ou un film aussi éprouvant. Il fallait que je travaille dans un autre registre. J’ai demandé conseil à mon ami Pablo Larraín (le réalisateur chilien entre autres de Spencer, avec Kristen Stewart, et Jackie, avec Natalie Portman, NDLR). Je lui ai demandé si j’étais fou d’accepter de me lancer dans Mufasa: The Lion King. Il trouvait que ce n’était pas fou du tout et il se réjouissait pour moi. J’ai trouvé ça très cool. Son approbation a été très importante dans ma décision. Larraín m’inspire beaucoup. The Club est un chef-d’œuvre.

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Le Roi lion est et reste un film de divertissement familial. Un domaine où vous n’aviez pas d’expérience. Comment s’est passée la transition?

Le contraste était grand, mais la transition s’est passée de manière très naturelle. Je n’ai pas senti de grande différence. Heureusement, Disney a accepté ma proposition: je voulais travailler comme je travaille d’habitude, j’y attache beaucoup d’importance, mais je respecterais le fait que Mufasa: The Lion King exige un ton et une atmosphère complètement différents de mes projets précédents. The Underground Railroad est sans doute l’œuvre dont je suis le plus fier. J’aime sa rugosité. Mais je sais aussi que très peu de gens l’ont vu alors que cinq milliards de personnes ont vu Le Roi lion. Cette fois, en abordant des thèmes qui me tiennent à cœur de façon moins crue, je touche un public très différent mais surtout beaucoup plus large.

Les injustices sociales et les questions socio-politiques jouent un grand rôle dans vos films. Est-ce également valable pour Mufasa: The Lion King?

Absolument, bien que je ne puisse pas trop en parler sans révéler l’intrigue du film. Je peux tout de même dire ceci: mes thèmes de prédilection sont dans le film. Pour devenir le leader fort et juste que l’on connaît, Mufasa devra découvrir qui il est vraiment et comprendre que pour y arriver il est important de construire une communauté solide autour de soi. Le film explore aussi le débat classique entre inné et acquis. Je sais que c’est une réponse un peu vague, mais croyez-moi, le film a quelque chose à raconter.

Et l’original? Pensez-vous que The Lion King véhiculait un message? Et lequel?
Oui, quand même. J’en ai parlé avec Bob Iger (le CEO de The Walt Disney Company, NDLR). Que se passe-t-il quand Scar accède au pouvoir? Les hyènes ont le champ libre pour chasser tant et plus. Ces excès transforment la nature luxuriante en un territoire aride. Cette catastrophe n’arrive pas de nulle part, elle est la conséquence directe d’un mauvais leadership. Avec Mufasa, qui est plein de sagesse et qui cherche l’équilibre, cela ne serait pas arrivé. Je suis bien conscient que tout le monde n’interprète pas Le Roi lion de cette façon, mais c’est présent dans le film. Avec Scar en tant que chef au lieu de Mufasa, le Jardin d’Eden se transforme en désert. Si on ne vit pas en harmonie avec le paysage, si on ne tisse pas des liens avec les autres animaux et les autres communautés, on crée un enfer. Et cette idée, on ne la transmet pas à un tout petit groupe de personnes. À travers le monde, ce sont des millions de personnes qui ont vu le film et/ou la comédie musicale de Broadway.

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Question délicate: qu’est-ce qu’on perd et qu’est-ce qu’on gagne avec des versions photoréalistes de lionceaux, d’un mandrill ou d’un suricate? Les couleurs vives et les cabrioles des personnages dessinés du Roi lion apportaient beaucoup de plaisir. Pourquoi est-ce que ça doit sembler vrai? Le remake de 2019 n’a pas été non plus un franc succès…

Je ne pourrais pas dire exactement ce qu’on gagne ou ce qu’on perd. Personnellement, je trouve la technologie qui sous-tend Le Roi lion de 2019 très intéressante. C’était une manière de raconter cette histoire bien connue autrement que dans le film original ou la comédie musicale. Je ne considère même pas ça comme du photoréalisme. Pour moi, c’est juste de l’animation digitale, qui a l’air très vraie. Ce que la technologie apporte change selon les plans et selon les personnages. Mais une chose est sûre: on peut être très expressif avec cette technique. Il faut penser en profondeur chaque image, chaque scène, et communiquer ses idées le plus clairement possible à toute une armée de story-boardeurs et d’animateurs. Ensuite tout le monde se met derrière son ordi et transpose ces idées dans de magnifiques images animées digitalement. Je ne pense pas que l’on perd ou que l’on gagne quelque chose avec cette technologie, c’est juste une tout autre manière de raconter une histoire.

Mufasa: The Lion King ***, de Barry Jenkins

 

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