Après 30 ans d’aventures, Tom Cruise semble faire ses adieux à la franchise Mission: Impossible, avec The Final Reckoning. Mais Tom Cruise ne serait pas Tom Cruise s’il se contentait de se reposer sur ses lauriers.
Après près de 30 ans, Tom Cruise semble faire ses adieux à la lucrative franchise Mission: Impossible. Non seulement le nouveau film porte le titre Mission: Impossible – The Final Reckoning, mais cette huitième aventure dans la peau du super-espion Ethan Hunt est également conçue comme l’apogée de la saga. Le résultat: une apothéose aux cascades invraisemblables, teintée d’un sentiment marqué de «c’est fini», et une tentative désordonnée de boucler tant bien que mal les nombreuses intrigues des épisodes précédents.
Il serait naïf de penser que la franchise est terminée pour de bon. Mission: Impossible a rapporté plus de quatre milliards de dollars au total. Des chiffres que Hollywood ne peut ignorer. Ce ne serait pas la première fois qu’un «dernier film» ne l’est pas vraiment, mais sert plutôt d’argument marketing lorsqu’une pause stratégique s’impose.
Tom Cruise a sauvé le cinéma (selon Spielberg)
Il ne faut pas s’attendre à voir débarquer Tom Cruise à l’ONEM de sitôt. Un troisième film Top Gun est en préparation, après que le deuxième opus, Top Gun: Maverick, a ramené le grand public dans les salles obscures à l’été 2022, après la pandémie. «Tom Cruise a sauvé le cinéma», a déclaré Steven Spielberg lors des Oscars. L’acteur tiendra également le rôle principal dans le nouveau film d’Alejandro G. Iñárritu (The Revenant, Birdman). En mettant Mission: Impossible en pause, il retrouve le temps de collaborer, comme autrefois, avec des réalisateurs de renom tels que Michael Mann (Collateral), Stanley Kubrick (Eyes Wide Shut), Steven Spielberg (La Guerre des mondes, Minority Report), Oliver Stone (Né un 4 juillet) et Paul Thomas Anderson (Magnolia).
On peut se moquer de son sourire Pepsodent, de sa palette d’expressions limitée ou de son jeu parfois rigide: Tom Cruise est la dernière star hollywoodienne à détenir un véritable pouvoir. Tout Hollywood observe avec attention ses prochaines décisions. À une époque où les vedettes ne sont plus les acteurs, mais les personnages (merci Marvel), et où les algorithmes et l’IA –qui, non sans ironie, représentent le grand méchant dans les derniers Mission: Impossible– dictent leur loi, Tom Cruise fait figure d’anachronisme. Une anomalie étincelante, furieuse, perpétuellement en mouvement.
Dès ses débuts, Cruise a voulu garder un maximum de contrôle. Après son premier succès, Risky Business en 1983, il négocie avec les producteurs de Top Gun un droit de regard et d’intervention dans le processus créatif. Depuis, il exige systématiquement une forme de maîtrise artistique. Sur Mission: Impossible, il est aussi producteur et c’est lui qui choisit le réalisateur qui l’accompagnera. Après Brian De Palma, John Woo et J.J. Abrams, Christopher McQuarrie est devenu son complice attitré.
Cruise est un control freak qui veut apprendre de chaque spécialiste présent sur le plateau. Il est toujours sur le tournage, insiste pour faire lui-même tous ses inserts et gros plans, et exhorte les jeunes acteurs à s’intéresser aussi aux aspects techniques: comprendre l’effet produit par telle ou telle lentille, savoir comment exploiter la lumière à son avantage. «Apprendre en permanence, c’est comme ça que je fais », dit-il.
Tom Cruise met sa vie en jeu, encore et toujours
Lors des avant-premières mondiales d’un nouveau Mission: Impossible, Cruise a pour habitude de souffler à l’oreille de McQuarrie, juste avant la fin du générique, qu’ils peuvent encore faire mieux. Cela vaut aussi pour les cascades, que Tom Cruise exécute toujours lui-même. Escalader la Burj Khalifa, s’agripper à un avion au décollage, sauter à moto dans un ravin? On peut encore pousser plus loin.
«Sans Tom Cruise, ces scènes seraient tout simplement impossibles, a déclaré McQuarrie lors d’une masterclass au Festival de Cannes, où Mission: Impossible – The Final Reckoning a été présenté en avant-première mondiale. D’une part, je n’obtiendrais pas les mêmes moyens avec un autre acteur. D’autre part, je devrais cacher le fait qu’un cascadeur réalise en grande partie la scène. Avec Tom, le défi est justement de rappeler sans cesse au spectateur que c’est lui qui le fait. Cela détermine chaque position de caméra, chaque mouvement.» Cruise a aujourd’hui 62 ans, mais semble défier avec autant d’aplomb le temps que la gravité. Tandis que d’autres stars glissent vers des seconds rôles ou des publicités pour du Nescafé, Tom Cruise, à 60 ans passés, continue d’exécuter des cascades à vous glacer le sang.
La saga Mission: Impossible, née comme une adaptation d’une série télévisée culte des années 1960, est devenue sous sa direction, en huit films répartis sur trois décennies, une démonstration de persévérance et de dépassement de soi.
The Final Reckoning se déroule notamment à bord d’un sous-marin russe englouti dans la mer de Béring. Pour le tournage, Cruise s’est enfermé dans une sphère d’acier rotative, immergée dans un réservoir de 8,5 millions de litres d’eau. «Il a fallu deux ans et demi pour construire ce navire. Nous ne savions pas ce qu’il allait se passer une fois la machine mise en route. Il n’y avait aucun moyen de la tester.» On le voit aussi suspendu à l’aile d’un biplan, à trois kilomètres au-dessus du sol sud-africain. Des professionnels du «wing walking» ont jugé la cascade irréalisable. Car à 200 kilomètres à l’heure dans les airs, il devient pratiquement impossible de respirer.
Les gens peuvent trouver des millions de raisons de ne pas faire quelque chose. Moi, je trouve toujours préférable d’avoir essayé.
«Sur l’aile, Tom ne pouvait plus communiquer qu’avec des gestes de la main. Je volais à ses côtés dans un hélicoptère, a expliqué Christopher McQuarrie. Nous savons, par expérience, qu’après douze minutes dans ces conditions, on est aussi épuisé qu’après deux heures de salle de sport. Mais bien sûr, Tom est allé au bout de ses limites. À un moment donné, je ne savais même plus s’il était encore conscient.» Au final, Cruise est resté plus de 20 minutes accroché à l’aile. «Quand il a fallu interrompre la séquence d’urgence, parce que le carburant arrivait à sa fin, il s’est hissé lui-même, a glissé sa tête dans le cockpit pour reprendre suffisamment d’oxygène, puis il est monté à l’intérieur et a ramené l’avion au sol, sain et sauf. Personne sur cette planète ne peut faire ça, à part Tom Cruise.»
Tom Cruise ne prend pas encore sa retraite
«Ce que je pense de la peur? C’est excitant. Elle déclenche l’adrénaline, a déclaré l’acteur lorsqu’il est apparu à Cannes, à la surprise générale, lors d’un rendez-vous avec McQuarrie. L’inconnu ne me paralyse pas. J’aime l’affronter. Je veux une vie intéressante, dynamique. Je veux tout savoir et tout expérimenter. Les gens peuvent trouver des millions de raisons de ne pas faire quelque chose. Moi, je trouve toujours préférable d’avoir essayé. Tu veux faire des films, créer? Mets-toi au travail. Ne demande pas la permission. Fais-le. N’attends pas que tout soit parfait, car ça ne le sera jamais. Les films ne sont pas parfaits. Les gens ne sont pas parfaits. La vie n’est pas parfaite. C’est de ses erreurs que l’on apprend.»
L’homme a, sans aucun doute, aussi un côté sombre. Il traîne derrière lui plusieurs controverses, comme ce saut euphorique et devenu viral sur le canapé d’Oprah Winfrey, sa défense obstinée de l’Église de scientologie, ses déclarations selon lesquelles la psychiatrie serait dangereuse et les antidépresseurs «absurdes», ainsi que son comportement parfois autoritaire dans ses relations avec Cher, Mimi Rogers, Nicole Kidman, Penélope Cruz, Katie Holmes et Hayley Atwell. Ces dernières années, on a toutefois pu observer une amélioration. En restant à l’écart des réseaux sociaux et en limitant ses apparitions médiatiques, il évite de susciter la controverse par des propos déplacés. Il semble également avoir pris un peu de distance vis-à-vis de la scientologie.
Mais surtout, il s’est imposé comme un repère stable dans une période extrêmement troublée pour l’industrie cinématographique. «Je fais des films pour le grand écran»: tel est son mantra. Et il y croit sincèrement. Avec une énergie inépuisable, il s’efforce de créer du divertissement à l’état pur. Et le grand public en redemande. Et ce, depuis déjà cinq décennies.
Lorsque Daniel Craig se lasse de James Bond, on lui cherche simplement un successeur. Mais si Tom Cruise fait véritablement ses adieux à Ethan Hunt avec The Final Reckoning, cela signifiera la fin de Mission: Impossible. Car personne d’autre ne peut faire ce que fait Tom Cruise. Si la franchise est en difficulté, la star, elle, ne l’est absolument pas. Tom Cruise n’est sans doute pas la dernière star d’Hollywood», mais il est peut-être bien le dernier acteur à être plus grand que la franchise dans laquelle il joue.
Mission Impossible: The Final Reckoning
Film d’action de Christopher McQuarrie. Avec Tom Cruise, Hayley Atwell, Simon Pegg. 2h49.
La cote de Focus: 3/5
On prend les mêmes et on recommence. Alors que le monde s’attendait logiquement à une conclusion pour la célèbre saga d’action-espionnage, The Final Reckoning s’impose en réalité comme un épisode de plus. Un long épisode tout de même: avec presque trois heures au compteur, le film souffre surtout d’une première partie boiteuse, torpillée par une multitude de dialogues patauds qui surcomplexifient l’intrigue et amortissent le rythme. Heureusement, Tom Cruise et son fidèle comparse-réalisateur Christopher McQuarrie se rattrapent par la suite, notamment via à une séquence sous-marine tendue et à un climax effréné dans les cieux. Il n’empêche: à l’image de la relation entre Ethan Hunt et Grace, qui rejoue mollement le chassé-croisé avec Ilsa Faust des épisodes 5 et 6, le serpent Mission: Impossible semble définitivement se mordre la queue.
J.D.P.