Titre - L’Innocence (Monster)
Réalisateur-trice - De Hirokazu Kore-eda.
Casting - Avec Soya Kurokawa, Sakura Ando, Eita Nagayama.
Durée - 2 h 06
Chaque film de Hirokazu Kore-eda est un régal d’humanisme et de délicatesse. C’est aussi le cas de l’imparfait L’Innocence.
Hirokazu Kore-eda a -c’est trop injuste- de nombreux dons. Ce scénariste et réalisateur japonais à la merveilleuse empathie, couronné d’une Palme d’or en 2018 pour Une affaire de famille, est entre autres très doué pour mettre en scène des enfants et faire regarder à travers leurs yeux un monde qui ne leur est pas toujours très doux ou accueillant. Deux exemples inoubliables: Nobody Knows, sur une famille nombreuse qui se débrouille sans adulte, et I Wish, sur deux frères qui vivent séparés depuis le divorce de leurs parents.
Dans L’Innocence, Kore-eda attend malheureusement la troisième et dernière partie pour nous immerger pleinement dans l’univers du jeune Minato. Comme dans Rashomon -même si le grand classique d’Akira Kurosawa est un film très différent-, il donne à voir les mêmes péripéties sous trois angles différents, la musique du légendaire Ryuichi Sakamoto, décédé l’an dernier, servant de liant au triptyque.
Une mère célibataire s’interroge sur le comportement soudain étrange de son fils Minato. Est-il parfois malmené par son nouveau professeur? À moins qu’il ne soit lui-même un harceleur? Se rendant à l’école, elle se heurte au déni de celle-ci et à une série de tracas qui ne permettent pas d’approcher les véritables circonstances. Dans le chapitre qui lui est consacré, l’enseignant reconnait l’impuissance face au système.
Dans la troisième partie, l’on suit la vie de Minato lui-même. Et le spectateur de ressentir à quel point cette société contrôlée par les adultes peut être laide, douloureuse et ignorante. On n’en dira pas plus, car Kore-eda joue sur l’élément de surprise. Le film social qui semblait pouvoir à tout moment s’emballer en thriller psychologique se révèle soudain être une version japonaise du Close de Lukas Dhont: l’esquisse intime et chaleureuse d’une amitié entre deux garçons qui ne peut être vécue paisiblement.
La construction en trois points de vue semble enrichissante mais un peu artificielle, voire trompeuse. Kore-eda, qui pour une fois n’a pas écrit le scénario, jette de la poudre aux yeux des spectateurs dans une quête de vérité parsemée de faux indices et de soupçons non-fondés. Il présente ce qui est simple de manière compliquée alors qu’il a toujours excellé à faire l’inverse. Des perles comme Still Walking ou Tel père, tel fils brillaient par leur simplicité et démêlaient des situations complexes. Le réalisateur se permet aussi plus de sentimentalisme qu’à son habitude. Si L’Innocence n’est peut-être pas le chef-d’œuvre du cinéaste, il n’en est pas moins un portrait raffiné, empathique et nuancé de l’être humain et de la société. Ce qui est déjà pas mal dans le contexte actuel.
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