Les succès belges de Cannes 2023
Cinq longs métrages belges étaient présentés cette année sur la Croisette. Tour d’horizon.
Seul film noir-jaune-rouge retenu cette année en sélection officielle à Cannes, Augure, le premier long métrage de Baloji, en est reparti avec l’encourageant prix New Voice de la section Un Certain Regard. Soit une petite consécration et surtout une sacrée revanche pour celui qui a longtemps été recalé par la Commission de Sélection des Films en Belgique… Tourné entre Lubumbashi, Kinshasa et Bruxelles, le film retrace en mode choral les destinées de quatre personnages considérés comme sorciers dans une Afrique de fantasmagorie. Traversé de vraies fulgurances visuelles et plastiques, l’objet charme le regard et électrise ponctuellement les sens, mais pèche encore par ses maladresses d’écriture: fort dense, décousu, il veut souvent trop en dire et se disperse, mais porte indéniablement en lui de très jolies promesses. Autre film belge à avoir été primé sur la Croisette, Il pleut dans la maison, le premier long de fiction de Paloma Sermon-Daï, s’est pour sa part illustré du côté de la Semaine de la Critique, section parallèle dévolue aux premiers et deuxièmes films. Dure et lumineuse à la fois, cette chronique minimaliste d’un été doublée d’un récit d’apprentissage sensible trouve la bonne distance et le ton juste afin de traduire la précarité à hauteur d’adolescents. Elle repart auréolée du prix French Touch du jury de la Semaine de la Critique. Présenté dans la même section, mais en séance spéciale, Le Syndrome des amours passées d’Ann Sirot et Raphaël Balboni plaira à n’en pas douter à ceux qui avaient aimé leur précédent Une vie démente, multi-récompensé aux Magritte. Il nous aura surtout conforté dans l’idée que ce cinéma en quête de fantaisie forcée, et cherchant désespérément le naturel à grand renfort d’impros bégayantes, n’est pas fait pour nous…
Coups de cœur
C’est finalement du côté de la Quinzaine des Cinéastes, section parallèle reine du festival, que nous sont venues les deux plus belles surprises belges. Dans L’Autre Laurens, Claude Schmitz, découvert à l’époque avec l’irrésistible Braquer Poitiers, se frotte avec brio aux codes du polar, déconstruisant le genre pour mieux le reconstruire en questionnant les… genres (masculin-féminin). Pour ce faire, il s’appuie sur un scénario riche et sinueux, beaucoup plus foisonnant et bétonné qu’à l’accoutumée, jouant par exemple avec énormément d’intelligence sur la figure du double pour acter la fin d’un monde -celui d’un patriarcat dépassé et vieillissant, notamment. Dans Mambar Pierrette, enfin, Rosine Mbakam, réalisatrice camerounaise formée à l’Insas et passée par le documentaire, pose un regard d’une sobriété et d’une pudeur exemplaires sur le combat ordinaire, presque sisyphéen, d’une couturière de Douala dont le quotidien est rythmé par le travail, le besoin d’argent et l’incertitude du lendemain. Une véritable leçon de cinéma humaniste où la fiction, d’une désarmante sincérité, se nourrit du réel.
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