Les Femmes au balcon, une comédie d’horreur et féministe: “Avec le gore, il y a un côté très cathartique”

Certains rôles marquants de Noémie Merlant ont contribué à redéfinir une façon de filmer au féminin. Avec Les Femmes au balcon, elle ajoute en tant que réalisatrice sa furieuse pierre à l’édifice d’un female gaze pop et ravageur.

Inoubliable peintre dans Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, jeune femme amoureuse d’une machine dans Jumbo de la belge Zoé Wittock, complice émancipée de L’Innocent de Louis Garrel, Noémie Merlant est aussi l’héroïne d’Emmanuelle, la relecture féministe du roman érotique d’Emmanuelle Arsan. On la retrouve en Marylin libérée du regard des hommes dans son deuxième long métrage en tant que réalisatrice, Les Femmes au balcon, découvert en séance spéciale au Festival de Cannes. Cette comédie horrifique haute en couleur et joyeusement outrancière ne craint aucune mise à nu, au propre comme au figuré.

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On y suit la folle virée de trois amies bien décidées à prendre leur avenir en main, et à répondre, œil pour œil et dent pour dent aux attaques de la gent masculine. Une histoire d’amitié donc, une sororité au cœur de l’impulsion créative de Noémie Merlant. Croisée au Festival de Gand, elle revient pour nous sur les origines de ce projet Les Femmes au balcon. « Pendant le confinement, je me suis enfuie de chez moi pour me réfugier auprès de mes copines. Enfin je n’étais plus soumise ni au regard de la société, ni à celui d’un homme dans un couple. Une sorte de pause, comme si j’étais en jachère, un relâchement total du corps. Ce fut un moment d’entraide, de dialogue et de confiance, qui nous a permis de nous débarrasser de traumatismes personnels, notamment un en particulier pour moi, avec un photographe alors que je débutais ma carrière de mannequin. Cette écoute active m’a permis de rebondir. J’ai voulu partager cette période sous la forme d’une comédie horrifique, avec humour, car l’humour aide à avancer, et avec le gore, car il a un côté très cathartique, c’est un exutoire qui permet de sortir toute cette violence intériorisée. Ces femmes sont, comme la planète, arrivées à leur quota de tolérance limite. Elles décident non pas de se venger, mais de se défendre. »

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Cette fiction est aussi un lieu des possibles. Elise, le personnage d’actrice incarnée par Noémie Merlant, débarque chez ses amies dans son costume de Marylin, dont elle va se délester pour laisser son corps exulter, notamment dans une dernière scène où les trois copines avancent, conquérantes et libres, dans les rues de Marseille. « J’avais cette scène en tête dès le début. Le film allait nous permettre de vivre une situation que l’on n’avait jamais vécue, quelque chose de simple pourtant, marcher torse nu dans les rues d’une ville, un jour de canicule. L’espace public a été modelé par et pour les hommes, comme s’il leur appartenait. Nos corps ne sont pas montrés de la même manière que les leurs. Et puis en quoi une femme torse nu est plus problématique qu’un homme torse nu? Un homme torse nu peut très bien susciter du désir chez moi, voire m’exciter, mais en tant que femme, je garde ça pour moi. Le problème, ce n’est pas le torse nu, ni le désir qu’il peut provoquer, c’est le fait de ne pas réussir à se contrôler, ou à s’empêcher. Moi je m’empêche, ça ne veut pas dire que je ne ressens rien. Je me contrôle. On se contrôle, et même on s’efface. »

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Libérer les corps

Alors Noémie Merlant montre des corps de femmes, non comme des objets mais comme des sujets, jouant pour ce faire d’une certaine trivialité. « La vulgarité, c’est quelque chose qui est très autorisé chez les hommes, mais pas chez les femmes. Je trouve qu’il y a ce que j’appelle une « vulgarité douce« , qui est quelque chose de normal et d’humain. Ce sont juste des corps qui vivent, et pas des images parfaites qui doivent susciter du désir. C’est par la vulgarité que je pouvais désexualiser ces femmes et ces corps. Et les libérer. »

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Des corps dans la ville, des corps dans leur intimité triviale, des corps dans leur quotidien, notamment dans quelques scènes clés, dont une, marquante par sa frontalité, chez le gynécologue. « J’avais envie que l’on soit avec Elise à ce moment-là, inconfortable et gênée avec elle. Encore une fois, c’est un moment où notre corps ne nous appartient pas, où il est particulièrement important d’avoir en face de soi des gens bienveillants. Et puis j’avais aussi besoin de montrer ce sexe, de le normaliser dans ses fonctions physiologiques. Dès le départ, il y a plusieurs choses que je savais que je voulais montrer dans Les Femmes au balcon. Cette scène, et puis aussi la scène du viol conjugal, c’était très important pour moi aussi. C’est une scène qui n’a pas du tout été assez montrée au cinéma. Beaucoup de gens ignorent ce que c’est, un viol conjugal. Souvent, il n’y a pas de violence physique ou verbale. Je voulais illustrer quelles sont les dynamiques qui font que l’on peut arriver à ce genre de situations. A contrario, l’autre scène de viol, je ne voulais pas la montrer, ce sont des choses que l’on a trop vues, souvent même pour susciter le désir des hommes. Enfin il y avait la scène où le violeur avoue, où il dit qu’il a violé. C’est quelque chose que l’on n’entend jamais. Quand on confronte les violeurs, ils sont tous innocents, tout le temps. Il n’y a qu’à voir l’affaire des viols de Mazan. Est-ce qu’ils sont dans le déni? Est-ce qu’ils veulent sauver leur peau? Est-ce qu’ils savent que la société va les laisser nier? J’avais besoin d’entendre dire « Oui, j’ai violé ». »

Les Femmes au balcon débute avec un destin singulier, celui de Denise. La caméra approche de son balcon, entre dans son appartement. Son mari l’agresse, elle se défend, le tue. Puis on se déplace. Autre appartement, autres violences, comme si l’histoire de la violence envers les femmes était une histoire qui se répète. « Oui, c’était important pour moi, car cette violence se passe à tous les étages de la société. Elle arrive partout. Et je voulais la rendre visible. Alors j’ai réfléchi à différentes façons de la montrer. Parfois on ne la voit que sur le visage des filles, leurs réactions. Parfois je voulais qu’on voie le sang. Mon objectif, c’était de découper le patriarcat en morceaux à l’écran. Ce corps d’homme qui pour les besoins du récit représente la société patriarcale, je voulais le voir exploser. »

 

 

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