Leonardo Van Dijl, réalisateur de Julie zwijgt: “Il est possible de s’attaquer aux comportements abusifs”

Julie zwijgt, avec Tessa Van den Broeck, est en lice pour les Oscars. © DR

Récompensé à Cannes et représentant la Belgique aux Oscars 2025, Julie zwijgt révèle le talent de Leonardo Van Dijl, jeune réalisateur qui croit en la force du cinéma.

Unique film belge présenté au dernier festival de Cannes où il a reçu le Prix de la SACD et le Prix de la Fondation Gan, Julie zwijgt (Julie Keeps Quiet, de son titre international), le premier long métrage de Leonardo Van Dijl, est en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger en 2025, en tant que représentant de la Belgique. Il faudra patienter jusqu’au 17 décembre pour savoir s’il figure dans la short-list des neuf films retenus, et le 17 janvier pour connaître les cinq nominés effectifs. En attendant, le film est sorti en salles ce 16 octobre. Leonardo Van Dijl, fils d’une mère italienne et d’un père néerlandais qui a grandi à Harelbeke, dans la région de Courtrai, avant de s’installer à Bruxelles, propose une expérience de cinéma envoûtante. Il nous immerge dans le silence d’une jeune championne de tennis dont l’entraîneur se retrouve soudainement suspendu sans que l’on sache vraiment pourquoi.

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Comment avez-vous vécu la réalisation de Julie zwijgt?

Julie zwijgt, c’était un peu comme mes Jeux Olympiques. J’avais enfin la chance de réaliser un long métrage et je savais que je ne pourrais qu’avoir des regrets par la suite si je ne faisais pas tout ce que je pouvais pour livrer le meilleur film possible. Je me levais à 4 heures 30 et je ne me couchais pas avant 23 heures. Entre les deux, je travaillais, travaillais, travaillais, mais j’ai énormément apprécié le processus de création. Je voudrais recommencer dès que possible. Même si ce ne sera pas forcément plus facile. Je ne me fais pas d’illusions.

Avez-vous mis de côté toutes ces années d’attente maintenant que Julie zwijgt a décroché plusieurs prix et enchaîne les sélections dans les festivals?

Un peu. C’était un film difficile à vendre. Heureusement, je n’étais pas seul dans toutes les démarches. Ruth Becquart (actrice et scénariste, NDLR) était à mes côtés. Nous avons cru très fort à l’approche et à l’importance du film. Julie zwijgt est une histoire qui n’a pas encore été racontée. Nous avons été inspirés par les dieux grecs: Julie est mon Antigone.

L’intrigue se déroule dans le petit milieu du tennis. © DR

Comment peut-on éviter que l’entraîneur d’un jeune athlète ne dépasse les bornes?

En investissant davantage dans une politique de prévention, on pourrait identifier beaucoup plus clairement le moment où quelqu’un va vraiment trop loin. Nous avons collaboré avec Sportieq, le Centre d’éthique du sport. Il est possible de s’attaquer aux comportements abusifs de manière préventive. On peut travailler avec un système de signalement qui protège les athlètes et les entraîneurs. Les clubs estiment peut-être que ce n’est pas très agréable à mettre en place, mais sans ce type de politique, on laisse le champ libre aux « cow-boys » qui n’ont pas de scrupules. Mon film est en fait un grand encouragement pour dire: parlons de ce problème!

En attendant ce premier long métrage, vous avez enchaîné une série de petits jobs : direction des figurants, assistant à la production… Vous avez aussi tourné des pubs et des clips pour Oscar and the Wolf ou Warhola. Quel est votre regard sur cette période?

J’ai beaucoup aimé faire ces clips. Je voulais être sur un plateau de tournage, travailler avec mes mains et pas rester assis derrière mon ordi. Mais à un moment donné, j’en ai eu assez. Ce n’est pas la même chose que le cinéma. Dans un clip, on est au service d’un musicien; dans un film, je suis au service des personnage. La fiction est la seule chose qui me fait avancer dans la vie. Pour le reste, j’ai toujours un peu traîné les pieds. Ce n’était pas une vraie carrière.

© DR

Avez-vous parfois pensé à abandonner?

En fait, je considérais mon court métrage Stephanie comme un adieu. Ca ne marchait pas et je commençais à me dire: personne ne sait qui tu es, personne ne t’attend. Et si je n’avais rien à offrir? En considérant Stephanie comme mon dernier film, j’ai voulu m’éclater au maximum et en tirer le meilleur parti. Ce changement d’état d’esprit m’a donné étrangement beaucoup de liberté. Le Festival de Cannes a bien accueilli Stephanie, tout le monde était enthousiaste. C’était un moment magique. Peut-être que j’avais quelque chose à offrir après tout! J’ai travaillé sur Julie zwijgt avec la même mentalité. Peu importait qui était Leonardo Van Dijl, je me suis mis entièrement au service du personnage.

Vous identifiez-vous à Julie?

Non. De toute façon, j’essaie de ne pas m’identifier à mon job. Avant, il m’est arrivé d’avoir quelques problèmes d’ego, mais j’ai appris à relativiser parce que ça me gênait dans mon travail. Je ne cherche pas à savoir qui je suis, je ne m’identifie pas à mes personnages. J’essaie de comprendre le monde. Le fait que les prix, les sélections et les interviews m’obligent maintenant à me pousser moi-même sur le devant de la scène me décourage un peu: en fait, je veux que le film parle de lui-même. Mais je comprends que je dois le faire pour le film.

Julie zwijgt représente la Belgique dans la course aux Oscars. Cela modifie-t-il votre emploi du temps pour les mois à venir?

Je ne suis qu’un petit maillon de la chaîne. Je fais ce qu’on me demande et je joue mon rôle de réalisateur quand c’est nécessaire. Si l’univers veut que Julie zwijgt soit nominé, tant mieux. Si pas, tant pis. Je serais très heureux qu’il soit nominé, mais je ne veux pas me perdre dans la compétition. Tout film réalisé avec de bonnes intentions mérite un prix. J’ai beaucoup donné à Julie zwijgt, mais le film donne aussi beaucoup en retour. Par exemple, l’actrice principale Tessa Van den Broeck a pu rencontrer Naomi Osaka (l’ancienne numéro un du tennis féminin et productrice exécutive du film, NDLR). C’est tellement cool! Qui aurait cru ça il y a cinq ans?

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