Le film de la semaine: Frère et Soeur d’Arnaud Desplechin, un drame intime d’une bouleversante profondeur
Titre - Frère et Soeur
Genre - Drame
Réalisateur-trice - Arnaud Desplechin
Casting - Marion Cotillard, Melvil Poupaud, Patrick Timsit
Durée - 1h48
Arnaud Desplechin renoue, pour Frère et sœur, avec un scénario original et la veine familiale qui irrigue une large part de son œuvre depuis son premier film, La Vie des morts, en 1991.
On n’en a jamais terminé avec les Vuillard. Quatorze ans après Un conte de Noël, les voilà donc qui s’invitent à nouveau devant la caméra d’Arnaud Desplechin, différents, certes, mais les mêmes au fond, pour l’une de ces histoires de famille dont le réalisateur roubaisien a le secret. Tout commence sur un clash violent: venue assister avec son mari à la veillée funèbre de son neveu Jacob, Alice (Marion Cotillard) est éconduite sans ménagement par son frère Louis (Melvil Poupaud), dernier éclat d’une haine dont l’origine se perd dans le brouillard de la mémoire. Cinq ans plus tard, Louis, un poète, a cessé d’écrire, pour se retirer avec Faunia (Golshifteh Farahani) dans un lieu perdu des Pyrénées, à la poursuite d’un impossible deuil, tandis qu’Alice se produit chaque soir sur scène dans The Dead. Moment où un grave accident de la route dont sont victimes leurs parents va contraindre ces deux-là à se croiser à nouveau, Zwy (Patrick Timsit), l’ami psychiatre de Louis, tentant de jouer les intercesseurs tandis que Fidèle (Benjamin Siksou), le frère, les observe, s’échinant à s’éviter…
Un autre versant de l’amour
Après deux adaptations, Angels in America, d’après Tony Kushner, et Tromperie, inspiré de Philip Roth, Arnaud Desplechin renoue, pour Frère et sœur, avec un scénario original et la veine familiale qui irrigue une large part de son œuvre depuis son premier film, La Vie des morts, en 1991. Et d’ébaucher un récit sinueux, arpentant la ligne du temps pour mieux creuser le sillon de cette haine que voue Alice à son frère depuis 20 ans bien qu’elle en ait perdu le fil. Non sans distiller des indices sur les sources d’une détestation qui les a maintenus obstinément à distance, aussi sûrement d’ailleurs qu’elle les rapproche irrémédiablement, dès lors qu’elle est un autre versant de l’amour. À charge pour ces protagonistes de la surmonter – ce vers quoi le film tout entier est tendu.
La matière est dense, Desplechin s’en empare avec volupté, pour signer une œuvre glissant avec bonheur d’une humeur à une autre, l’apaisement répondant à la tempête, la pudeur à la débauche de sentiments exacerbés. Comme s’il fallait rouvrir l’album de famille pour en solder les comptes, battre passé et présent pour embrasser l’avenir, mouvement auquel se prête idéalement un duo de comédiens complémentaires et joueurs. À quoi s’ajoute l’enivrante liberté que s’autorise désormais un réalisateur osant les détours narratifs et lignes de fuite romanesques comme les audaces esthétiques – du genre à laisser Melvil Poupaud planer dans le ciel de Roubaix comme réinventée. Métaphore d’un film tutoyant l’air de rien les sommets, sa mise en scène virtuose mais sans esbroufe n’ayant d’autre objet que de servir un drame intime d’une bouleversante profondeur.
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