[Le film de la semaine] Au revoir là-haut d’Albert Dupontel, riche et vibrant
COMÉDIE DRAMATIQUE | Dupontel adapte idéalement le Goncourt 2013, satire sociale mordante qu’il filme avec inspiration.
La guerre sera terminée d’ici un court moment. L’armistice de 1918 va y mettre fin. Les soldats le savent, qu’ils soient français ou allemands. Alors on ne tire plus. Un accord tacite réduit les tranchées au silence. On attend la fin imminente du sanglant conflit sans plus bouger ou presque. Un officier français ne l’entend pas de cette oreille. Sa soif de pouvoir et de violence n’est pas encore assouvie. Un subterfuge criminel lui permettra de lancer une ultime attaque… Ainsi commence Au revoir là-haut, remarquable récit narré avec brio par Pierre Lemaitre dans son roman (Prix Goncourt 2013) et aujourd’hui adapté au cinéma par un Albert Dupontel (lire également son interview page 28) au sommet de sa verve, de son art. L’acteur-réalisateur s’est réservé le personnage de Maillard, modeste comptable revenu révolté du théâtre guerrier dont le lieutenant Pradelle (Laurent Lafitte) fut l’ultime et détestable metteur en scène. Avec un autre rescapé de la grande boucherie, artiste de talent désormais tragiquement mutilé (Nahuel Perez Biscayart), Maillard va imaginer une escroquerie géniale, doublée d’un plan de vengeance contre celui qui, rendu à ses activités d’homme d’affaires, continue à exploiter les morts de la guerre avec un cynisme absolu…
Un film qui nous emporte
Pas de grand mystère au désir nourri par Dupontel envers cette histoire conjuguant subversion sociale et trait poético-burlesque. Le réalisateur d’Enfermés dehors et de 9 mois fermes a trouvé matière à son goût dans le roman d’un Pierre Lemaitre avec lequel il avait déjà, depuis 2012, le projet -inabouti à ce jour- de tenir le rôle principal dans l’adaptation de Cadres noirs, autre livre de l’écrivain natif d’Aubervilliers (dans la « banlieue rouge » de Paris). Sûr qu’il a aimé relever le défi de la reconstitution d’époque, dans un parcours (1) allant du front de 14-18 aux colonies d’Afrique en passant par la capitale! Dupontel fait preuve d’un flair et d’une invention visuelle peu banals en France… sauf peut-être chez le Jean-Pierre Jeunet d’Un long dimanche de fiançailles, autre film évoquant l’immédiat après-Première Guerre mondiale à partir d’un roman marquant et foisonnant (de Sébastien Japrisot). Il place aux bons endroits, sans jamais freiner une narration puissante, quelques références au cinéma des années 20 et un peu au-delà, du très probable Buster Keaton au nettement moins attendu Vampyr de Dreyer. Entre comédie féroce et mélodrame poignant, entre intimisme et Histoire collective, Au revoir là-haut ose un mélange des genres et des tons qui nous emporte, heureux de nous abandonner aux émotions contrastées d’un spectacle aussi riche par son style que par l’humanité vibrante de ses deux auteurs.
(1) Parcours parallèle à celui de la première partie du Voyage au bout de la nuit de Céline.
D’Albert Dupontel. Avec Nahuel Perez Biscayart, Albert Dupontel, Laurent Lafitte. 1h57. Sortie: 25/10. ****
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