Joseph vit seul, cloîtré dans son atelier d’ébénisterie, comme extrait du monde. L’annonce de la mort de son fils avec lequel il était en froid, disparu dans un accident d’avion avec son compagnon, agit comme un électrochoc. Saisi par un deuil qu’il ne sait comment surmonter, il s’accroche à sa dernière chance: retrouver la jeune femme qui porte l’enfant souhaité par son fils et son époux. Elle s’appelle Rita, vit en Belgique et s’est dit que cette gestation pour autrui, qui a discrètement fait l’objet d’une transaction financière, pourrait bien être un passeport vers un avenir meilleur. Mais quand les pères disparaissent, pas question d’assumer une charge parentale qu’elle n’a pas souhaitée.
C’est un duo incongru que forment Joseph et Rita dans La Petite et qui, sans le formuler, s’interroge sur ce qui fait le lien familial, au-delà de quelques spermatozoïdes et d’un utérus. Avec précaution, le grand-père putatif et la mère porteuse tâtonnent pour déterminer ce qui fait encore famille, quand les cadres ont implosé. Joseph est peu enclin à entendre la jeune femme, tout obsédé qu’il est de renouer post-mortem avec son fils. Quant à Rita, elle se révèle paumée, mais pas vénale, déterminée à rester maîtresse de son destin.
À travers cette comédie dramatique un peu convenue qui veille à ne pas juger ses protagonistes (à l’exception des beaux-parents, qui ne veulent rien avoir à faire avec cet enfant qui les embarrasse), Guillaume Nicloux se penche sur le chamboule-tout qu’est la famille contemporaine, à travers la volonté, farouche et parfois dépassée de Joseph, interprété par un Fabrice Luchini qui trouve le juste équilibre entre sobriété et fantaisie, et la liberté lucide de Rita, campée par la jeune comédienne belge Mara Taquin, qui confirme les espoirs placés en elle depuis La Ruche ou Rien à foutre.
