DRAME | Le réalisateur de Il Divo signe le portrait fascinant d’un écrivain mondain au fil de ses déambulations romaines désabusées. Avec un épatant Toni Servillo…
Venant dans sa filmographie après le malencontreux This Must Be the Place, parenthèse anglo-saxonne que l’on ne saurait mieux qualifier que de bouffonne, La Grande bellezza ressemble à un retour aux fondamentaux pour Paolo Sorrentino. Le réalisateur de Il Divo y renoue non seulement avec l’Italie et avec son acteur fétiche, Toni Servillo, mais aussi avec les racines mêmes de son cinéma, payant ici son tribut à l’immense Federico Fellini.
Il y a, en effet, quelque chose de La Dolce Vita dans ce film qui, histoire de baliser le propos, aurait encore pu s’intituler Sorrentino Roma. Le cinéaste s’y attèle au portrait de Jep Gambardella (Toni Servillo, époustouflant), un individu portant beau ses 65 ans; l’auteur, quatre décennies plus tôt, d’un roman unaniment célébré, L’Appareil humain, et dont sa quête de la grande beauté a, dit-il, toujours différé l’écriture de son second opus. A défaut de quoi, l’homme s’est composé un personnage sur mesure, journaliste mondain et séducteur patenté dont les fêtes, qu’il organise sur sa terrasse surplombant le Colisée, sont courues par le tout Rome, lui s’en tenant, pour sa part, à un regard en apparence cynique et détaché sur sa cour et sur le monde alentour. Et le film de l’accompagner dans un flirt, désabusé et lucide, avec la vacuité et le néant…
Echo vertigineux
Le cinéma est, notamment, affaire de style, et celui de Sorrentino est volontiers pompier. La Grande bellezza ne fait pas exception à la règle, qui menace dans un premier temps de ployer sous la charge du (grand) spectacle baroque mis en scène par le réalisateur. Afféteries et coquetterie vont ici de pair, en une orgie démonstrative et virtuose ayant le don de fasciner autant que d’irriter. Insensiblement, pourtant, l’impression de barnum, même fulgurant, s’estompe au profit d’un autre sentiment. Avec ce film, Sorrentino ne fait pas seulement le portrait acéré et désenchanté d’une certaine Italie contemporaine, il esquisse aussi celui, particulièrement inspiré, d’un homme que la mesure du temps qui passe conduit inexorablement à la mélancolie. La Grande bellezza se fait ainsi déambulation précaire sur le fil de l’existence, quête de sens en plus de sensations, en un mouvement auquel les éclats de l’absolue et éternelle beauté de la ville, s’ouvrant sous les pas de son protagoniste central, offrent un écho vertigineux. Une fois le bruit et la fureur retombés, le blablabla assourdi et le clinquant rendu à sa dérision, reste, écrit dans la douleur, un voyage, intime et universel à la fois, relecture de la comédie humaine à laquelle Sorrentino et Toni Servillo apportent mille nuances, comme pour mieux en imprégner et en remuer le spectateur.
- DRAME DE PAOLO SORRENTINO. AVEC TONI SERVILLO, CARLO VERDONE, SABRINA FERILLI. 2H22. SORTIE: 25/09.
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