Hors normes: le duo Nakache-Toledano s’empare du sujet de l’autisme
Hymne aux associations dévouées aux jeunes autistes profonds, Hors normes synthétise le travail du tandem Nakache-Toledano (Intouchables). Rencontre et critique.
Saisir un sujet grave, à forte résonance humaine et sociale. Ici l’autisme et sa prise en charge par des associations suppléant aux carences du service public. Le traiter par la voie de la comédie dramatique engagée, avec des acteurs bien choisis et une retenue dans l’émotion tenant à distance les pièges de la facilité. Olivier Nakache et Éric Toledano savent y faire, et usent à bon escient de la liberté créative quasi absolue que leur a offert l’énorme succès d’Intouchables. Hors normes incarne avec force cet art d’un cinéma tout à la fois populaire et intègre qui est leur marque de fabrique. Olivier Nakache évoque pour nous l’aventure d’un film pas vraiment comme les autres.
Engagement
« Éric et moi, on va où on veut, sans penser à plaire ou à déplaire, commente Nakache. Aller plus loin, plus en profondeur, vers des zones a priori anxiogènes mais qui nous émeuvent, c’est notre moteur. Hors normes, nous nous sommes sentis prêts à le faire il y a deux ans, nous n’aurions pas pu le faire avant, c’était pour nous comme un Everest, qui nous faisait peur. Mais avoir peur de son sujet c’est bien, c’est sain pour un réalisateur… » Au départ, il y eut une rencontre, avec Stéphane Benhamou de l’association Le Silence des Justes. C’est lui le Bruno du film, joué par Vincent Cassel. « Cela fait 20 ans que nous les connaissons, lui et son pote Daoud (le Malik que joue Reda Kateb dans le film). On a vu leur travail, leurs galères, nous sommes même partie prenante dans leurs associations. Voici 16 ou 17 ans, nous avions tourné un petit film pour eux, un film institutionnel. Avec Gad Elmaleh, nous avons organisé des spectacles pour leur rapporter des fonds. Donc au départ c’est un engagement, pas un projet de film. Et puis un jour, il y a quatre ans, Canal + nous a proposé une carte blanche pour parler pendant 26 minutes de quelque chose qui nous tenait particulièrement à coeur. Alors on a passé un mois avec eux, et nous nous sommes rendu compte qu’il y avait là quelque chose de dramaturgique, de romanesque, des personnages. L’engagement et le militantisme se voyaient confrontés à l’artistique. Et après le documentaire est venu le désir d’un film de fiction. Alors tout en faisant le montage du Sens de la fête , nous avons commencé à écrire, à accumuler les idées de scènes. Quand est venu le moment d’imaginer qui allait jouer les deux rôles principaux, on s’est dit « Cassel-Kateb! » et on les a appelés. On ne les connaissait pas du tout. On leur a montré ce qu’on avait fait sur les associations, puis le lendemain ils nous ont accompagnés sur place. Le soir, ils se déclaraient partants pour le film. Ça nous a lancés, et on a très vite écrit le scénario. »
Entre réel et fiction
Formidables, Cassel et Kateb sont remarquablement entourés, principalement par des non-professionnels. « Éric et moi, nous aimons filmer des groupes. Nous connaissons bien ça! Nous nous sommes rencontrés dans une colonie de vacances, déjà (rire). On est très à l’aise pour écrire des scènes de groupe. Pour les interpréter cette fois, il nous fallait des jeunes en situation d’autisme, et des éducateurs connaissant tous les gestes, la patience, la douceur. On a donc un double casting d’éducateurs et de comédiens qu’on a envoyé passer du temps dans les associations. Dans Hors normes , réalité et fiction se mélangent sans arrêt! »
Les réalisateurs ont tourné dans les vrais endroits, au coeur des associations, acceptant les contraintes de ce choix « pour ne pas troubler les jeunes autistes qui ont absolument besoin de repères« . Ils ont tenu aussi « à valoriser le travail de ces jeunes des cités eux-mêmes en difficulté que Daoud va chercher pour s’occuper des jeunes autistes et devenir des référents, se trouver une place ensemble« . Un dernier mot capital pour un film solidaire et spectaculairement inclusif, mêlant les couleurs de peau comme les convictions avec au premier plan un juif et un musulman faisant cause commune…
« Hors normes est un film qui nous est viscéralement proche, nous ressentons très fort cet ADN-là, conclut Olivier Nakache. Tous les thèmes que nous avons abordés dans nos films précédents se retrouvent dans ce film-ci, mis en lumière comme nous le souhaitions. Ce film est un cap. Un film réalisé dans l’urgence, sur des gens qui ne cessent d’oeuvrer eux-mêmes dans l’urgence. »
D’Éric Toledano et Olivier Nakache. Avec Vincent Cassel, Reda Kateb, Hélène Vincent. 1 h 54. Sortie: 23/10.
Parce qu’en France, l’État et les collectivités n’assument pas pleinement la prise en charge des jeunes autistes les plus atteints, des associations se substituent à eux, accomplissant un travail aussi dur que formidable pour que ne meure pas l’espoir. Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb) mènent ce combat quotidien dans leur association respective, et s’allient volontiers quand cela peut aider. Les personnages principaux de Hors normes sont directement inspirés d’une réalité précise. Nakache et Toledano ont tourné dans les locaux mêmes d’une association, et entouré le formidable tandem Cassel-Kateb de jeunes interprètes non-professionnels, jouant des situations qu’ils vivent. Leur film est aussi réussi qu’audacieux. L’humour, l’émotion (presque toujours retenue) et l’engagement social y font bon ciment pour bâtir un spectacle solide qui est aussi une intense expérience humaine. Avec en prime un joyeux -mais aussi un peu rageur- pied de nez à la bureaucratie, au repli sur soi, au communautarisme (Bruno est juif, Malik est musulman), à cette indifférence envers l’autre qui s’avère parfois pire même que le rejet.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici