Guillaume Gallienne: « Les taiseux m’impressionnent »
Quatre ans après Les Garçons et Guillaume, à table!, Guillaume Gallienne est de retour à la réalisation avec un drame assez classique mettant en vedette une autre sociétaire de la Comédie-Française, Adeline D’Hermy.
« Cette histoire m’a été inspirée par une femme que j’ai rencontrée il y a quinze ans déjà. Une femme d’une grande humilité. Une taiseuse. Et les taiseux m’impressionnent. J’aime les gens qui n’ont pas les mots pour se défendre. Moi j’ai la chance d’avoir l’éloquence, mais en même temps on ne peut pas dire que ça m’a appris l’humilité! » C’est avec franchise que Gallienne entame notre entretien, conscient sans doute de son image caricaturale d’intello parisien. Un cliché que Maryline ne gommera pas forcément puisque, pour raconter l’itinéraire de cette battante silencieuse, Gallienne a choisi le microcosme du théâtre et du cinéma. « C’est un contexte pour le film, mais ça n’en est pas le sujet. C’est un milieu que je connais et donc c’était plus facile… Enfin non, ce n’est pas une question de facilité… C’était la voie la plus directe! Tout comme pour illustrer l’addiction dans laquelle tombe le personnage j’ai choisi l’alcool parce que c’était la forme la plus lisible. Le film est dru mais reste lumineux et pour atteindre ça, j’avais besoin de cadres précis, de références ouvertes. »
Gallienne prend aussi ses distances avec son opus précédent en étant totalement absent à l’écran. « Il fallait absolument que le protagoniste soit une femme. J’ai joué une femme pendant un an et j’ai dû beaucoup encaisser. Au point de devoir faire une pause en tant qu’acteur. Ça aussi je voulais le raconter. J’ai l’impression que le courage chez l’homme est plus visible, et plus intérieur chez les femmes. Il est plus caché, dans des choses qui se voient à peine. Ça m’intéressait de faire le portrait d’une femme qui est lumineuse au début et à la fin, et de découvrir ce par quoi elle est passée au milieu, tout ce qu’elle a dû encaisser.«
Pas triste, désespéré
Pour incarner cette « encaisseuse », Gallienne a fait le pari d’une comédienne méconnue, une de ses co-sociétaires de la Comédie-Française: Adeline D’Hermy. « Le film étant construit comme une chronique, sur plusieurs années, j’avais besoin d’une actrice qui pouvait porter le fil dramatique. Car je visais le drame. Je savais qu’Adeline irait jusqu’au bout et en plus elle a de l’humilité réelle. C’est difficile à construire si on ne l’a pas. C’est aussi une danseuse avec un corps prodigieux. J’avais besoin de ce corps-là, qui puisse être à la fois terrien et gracieux, qui puisse encaisser dans le cou, dans la gorge. » Maryline parlant peu, il était en effet capital de travailler l’incarnation physique du personnage, en quête de force mais aussi de justesse. « Je la dirigeais sur une seule action à la fois, parfois quelque chose qui n’est même pas à l’écran. Je lui demandais de se tordre les mains et je filmais son visage. La tension qui se lit alors dans ses traits n’est pas démonstrative ni explicative. »
Aux côtés de D’Hermy apparaît une galerie de personnages secondaires éphémères, dont le plus marquant est sans doute Xavier Beauvois. Le réalisateur de Des hommes et des dieux ne fait l’acteur qu’occasionnellement, mais toujours avec beaucoup de justesse. Et s’il n’a pas un très grand rôle dans le film, il a eu son importance dans le parcours de Gallienne. « C’est le premier à m’avoir nommé réalisateur et que j’ai cru. On s’est rencontrés à Cannes il y a un an et demi et pendant la conversation, son téléphone a sonné. Il a décroché et il a dit: « Excuse-moi, je suis avec un jeune réalisateur, je peux te rappeler plus tard? » C’est la première fois que j’ai accepté d’être « un jeune réalisateur ». Ça m’a plu. Il m’a nommé. » Le jeune réalisateur repense alors à lui pendant l’écriture des dialogues. « J’ai volé une phrase à Jean-Louis Trintignant. Un jour un journaliste lui a dit: « Vous avez tourné avec les plus grands, vous avez eu les plus belles femmes du monde dans vos bras et cependant vous avez toujours un petit air triste. » Et Trintignant éclate de rire: « Triste? Je ne suis pas triste, je suis désespéré! » Ça, c’est Xavier Beauvois, quelqu’un qui peut éclater de rire en disant qu’il est désespéré. » On est bien sûr en droit de penser que la description s’applique à Gallienne lui-même.
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