
Qui sont les Belges présents au 78e Festival de Cannes?
Le retour attendu des Dardenne, la confirmation pour Laura Wandel, la découverte pour Alexe Poukine et Valéry Carnoy: une fois de plus, le Festival de Cannes aime le cinéma belge.
C’est à la fois toujours, et jamais la même histoire. Si les cinéastes liégeois creusent avec une régularité qui force l’admiration le sillon de leur œuvre, ils ouvrent régulièrement leur cinéma à de nouvelles perspectives. Ainsi Jeunes mères les entraîne vers un autre type de narration, mais aussi de méthodologie. «Ce film représente une vraie rupture pour nous, confirme Jean-Pierre Dardenne. Pour la première fois, le récit prend une forme chorale, il se penche sur cinq jeunes femmes, et leurs enfants. Nous avons dû nous interroger sur la façon dont nous allions entrer dans chaque récit et le suivre, puis sur le plateau, comment nous allions retrouver la même énergie avec chaque comédienne.» «Et il y avait les bébés, renchérit Luc. Ils ont amené une forme d’urgence, à tel point que le tournage, initialement prévu pour 51 jours en a duré 38! Nous avons fait beaucoup de répétitions, comme nous le faisons à chaque fois, mais sur le plateau, il fallait saisir l’instant, avec la présence au jeu des bébés. Quand on avait une prise où les enfants étaient bien, il fallait se féliciter, se dire tant pis pour le petit morceau de dialogue qui n’était pas parfait.»
La carrière de Laura Wandel est elle aussi étroitement liée au Festival. En 2014, elle y présentait son court métrage Les Corps étrangers, et en 2021, son premier long métrage, Un monde, dans la section «Un Certain regard». Son deuxième long, L’Intérêt d’Adam, ouvrira cette année «la Semaine de la critique». On y suit l’infirmière en chef d’un service de pédiatrie, sur le fil entre les règles de l’institution et les besoins d’un petit patient. «Ce film est un hommage au dévouement du personnel soignant, si important, et si peu valorisé, confie la cinéaste. J’ai pu constater lors d’une immersion à l’hôpital à quel point la guérison de l’enfant peut dépendre de la relation avec le parent, et comment l’aspect social prend presque autant de place que l’aspect médical.» Le film a été tourné dans un service hospitalier en activité et Léa Drucker, qui incarne le rôle principal, était accompagnée en amont et sur le plateau. «J’avais écrit le rôle pour elle, et je suis très admirative de la façon dont elle a su tout à la fois pratiquer les gestes techniques et transmettre des émotions complexes et intenses. J’espère que le public pourra s’identifier à chacun des personnages, et partager leur humanité.»
Cette 78e édition du Festival verra aussi l’arrivée de nouveaux visages. Ou pas si nouveaux, si l’on se penche sur la carrière d’Alexe Poukine, qui présentera Kika à la «Semaine de la critique», et qui s’est déjà largement fait remarquer avec ses documentaires Sans frapper et Sauve qui peut, sorti récemment. Kika dresse le portrait d’une jeune femme «qui tombe éperdument amoureuse d’un homme, qui prend le risque de tout abandonner pour lui, et cet homme meurt. Elle est enceinte, elle n’a plus d’appartement, le cœur en bouillie, et un découvert énorme. Les moyens qu’elle va trouver pour «faire son deuil» et pour s’en sortir sont très peu conventionnels, résume la réalisatrice. C’est à la fois très drôle et très tragique. Je pense que c’est un film qui va diviser. J’espère qu’il y a des gens qui adoreront, et je sais qu’il y a des gens qui détesteront, parce que c’est le récit d’empouvoirement d’une femme qui réalise que la douceur est le meilleur moyen de s’en sortir, plus que la domination.»
Quant à Valéry Carnoy, il poursuit dans La Danse des renards (en lice à la «Quinzaine des Cinéastes») l’exploration des masculinités adolescentes entamée dans son court métrage Titan. A première vue, c’est un film de boxe (le film se passe dans un internat sport-études), «mais pour moi, c’est d’abord un film sur cet âge où tout change, à commencer par les corps, le rapport à la puissance et à la douleur, explique le réalisateur. J’ai voulu faire un film populaire et nerveux, et j’espère que les jeunes que l’on a castés pour le film et qui ont une envie folle de cinéma seront découverts à cette occasion.»
Alpha, de Julia Ducournau.
Made in Belgium
La richesse du secteur cinématographique belge ne se joue pas uniquement dans les films estampillés noir-jaune-rouge, mais aussi là où l’on ne l’attend pas forcément. Par exemple dans Alpha, le nouveau film de Julia Ducournau, récompensée par une Palme d’or en 2021 pour Titane. Depuis son premier long métrage, la réalisatrice française ne jure que par ses coproducteurs liégeois. «Julia a changé trois fois de producteur français, jamais de producteur belge, se félicite Jean-Yves Roubin de Frakas Productions. C’est une relation de confiance qui s’est établie sur le terrain. Notre plus grande fierté, c’est que même si ce film-ci ne s’est pas tourné en Belgique (NDLR: c’était le cas de son premier long Grave), on retrouvait 25 Belges sur le plateau.» Des sociétés de production belges figurent d’ailleurs au générique de plusieurs gros films français qui seront dévoilés sur la Croisette, comme les nouveaux Cédric Klapisch (La Venue de l’avenir), Thierry Klifa (La Femme la plus riche du monde), Alex Lutz (Connemara, adaptation du roman de Nicolas Mathieu) ou encore Enzo, le dernier film initié par Laurent Cantet (décédé en avril 2024), et réalisé par Robin Campillo.
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