Critique | Cinéma

Emilia Pérez de Jacques Audiard ou la traversée des genres

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Titre - Emilia Pérez

Genre - Drame musical

Réalisateur-trice - Jacques Audiard

Casting - Avec Karla Sofía Gascón, Zoë Saldana, Selena Gomez

Sortie - En salles le 28 août 2024

Durée - 2 h 10

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Doublement primé à Cannes, le nouveau film de Jacques Audiard prend la forme d’un drame musical qui traverse les genres à l’instar de son protagoniste.

«Combien de temps encore à baisser la tête?» Lâchée en début de film, la phrase résume bien la volonté affichée par Jacques Audiard de se situer du côté des marginaux et des déclassés de la norme. Depuis The Sisters Brothers (2018), le réalisateur français semble même assez clairement chercher à pratiquer une sorte de dévirilisation progressive de ses personnages et de son cinéma. Ainsi donc aujourd’hui d’Emilia Pérez, objet à l’hétéroclisme queer revendiqué.

Très librement inspiré d’un personnage de narcotrafiquant aux aspirations transgenres furtivement croisé dans le roman Écoute de Boris Razon (Stock, 2018), le film cueille Rita (Zoë Saldana), une avocate mexicaine brillante mais surexploitée, au moment où elle n’en peut précisément plus de servir les intérêts des puissants au détriment de tout idéal de justice. Quand le redoutable chef de cartel Juan «Manitas» Del Monte (la révélation Karla Sofía Gascón) la contacte, c’est une porte de sortie inespérée qui s’ouvre à elle. L’homme cherche en effet à se retirer des affaires et concrétiser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années: devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être, Emilia Pérez. Soit le début d’une odyssée humaine et lyrique où la transformation du corps est autant poétique que politique…

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La métamorphose

«Emilia Perez, c’est un peu comme si la Belle et la Bête étaient enfermées dans un même corps», dit de son personnage l’actrice espagnole transgenre Karla Sofía Gascón. Cette dualité travaille, à sa suite, d’évidence le film lui-même, qui semble constamment hésiter entre esthétique clinquante (voire publicitaire) et atmosphère crépusculaire. Film noir, étude de mœurs, thriller flamboyant, comédie musicale tendant vers une forme opératique, mélodrame ouvertement féministe, télénovela aux accents tragiques… Toujours raccord en cela avec la quête de son personnage central, le film s’aventure par ailleurs dans une audacieuse traversée des genres. À défaut d’être toujours complètement convaincant, le geste, très libre, mérite assurément d’être salué.

Tourné essentiellement en studio et travaillant autour de personnages volontairement archétypaux, le dixième long métrage du réalisateur d’Un prophète ose le kitsch et la théâtralité, le discours littéral et la mise à nu des sentiments. S’il reste parfois trop en surface et ne fait pas l’économie de certains clichés (sur le Mexique et les cartels, mais également sur la transition de genre), il trouve aussi à l’occasion, dans la succession désordonnée de tranches de vie qu’il choisit d’adopter, une forme de vérité exacerbée qui touche au cœur, bien aidé en cela par la musique et les chansons écrites par Camille et son compagnon Clément Ducol.

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