« Elemental », le nouveau Pixar qui joue avec l’eau et le feu
Nouveau long métrage d’animation des studios Pixar, Elementalmet en scène la rencontre, façon Roméo et Juliette revisité, entre deux jeunes individus que tout oppose au cœur d’une ville où cohabitent difficilement les quatre éléments.
Vingt-septième long métrage d’animation des studios Pixar, Elemental (ou Élémentaire pour la version française) situe son action dans une ville, Element City, où cohabitent tant bien que mal des habitants faits de feu, d’eau, d’air ou de terre. Fille d’immigrants tenant une épicerie de quartier qu’ils chérissent comme la prunelle de leurs yeux, Flam, jeune femme au tempérament fiévreux, y fait l’improbable connaissance de Flack, un garçon cool et amusant doublé d’une véritable fontaine à larmes. Si la voie de la première semble déjà toute tracée par ses parents bosseurs et conservateurs, qui lui mettent la pression pour qu’elle reprenne le commerce familial, l’ouverture d’esprit du second va lui faire miroiter d’autres horizons possibles sur fond d’acceptation des différences. Explications, via Zoom, en compagnie du réalisateur Peter Sohn, qui travaille chez Pixar depuis désormais 20 ans, y ayant notamment déjà signé Le Voyage d’Arlo en 2015.
Dans Elemental, Flam possède un tempérament de feu tandis que Flack est très sensible, très versé dans l’émotionnel. Y avait-il une volonté de votre part, à la base, de renverser les stéréotypes de genres?
À vrai dire, je me suis beaucoup inspiré de la dynamique qui existe entre ma femme et moi pour les deux héros du film. Mon épouse est à moitié italienne et moi je suis coréen. Et je ne veux pas dire que tous les Italiens ont un tempérament de feu, mais disons que ma femme est particulièrement passionnée à propos de tout, tandis que je suis plus en retrait et plus fragile. Je suis parti de là, du clash culturel qui est le fondement de notre couple et de nos différences respectives.
Vous parlez volontiers d’Elemental comme d’un film très personnel…
Oui, j’ai perdu mon père et ma mère durant son élaboration, et ma relation à mes parents a clairement beaucoup alimenté les thématiques de l’héritage et de la filiation dans Elemental. Tout comme celle du racisme dont, eux comme moi, on a pu être victimes à New York. Vous savez, je suis né aux États-Unis mais en tant que fils d’immigrés coréens j’y ai toujours été regardé comme un étranger. Mais quand je vais en Corée, personne ne me traite non plus comme si j’étais vraiment coréen. J’ai toujours été pris dans ce paradoxe. Suis-je américain ou coréen? La question de l’identité traverse tout le film. Tout comme le sentiment de ne jamais se sentir tout à fait à sa place. Le grand enjeu d’Elemental, c’est, pour Flam, de parvenir à accepter son héritage tout en réussissant à tracer sa propre voie.
Quel était l’élément le plus complexe à transposer en animation?
Le plus amusant, vraiment, c’était le feu. C’était bien sûr un challenge de donner vie à Flam, mais c’était particulièrement excitant de la voir prendre forme parce que toute l’histoire du film repose sur elle. Mais le plus complexe, sans aucune hésitation, c’était l’eau, qui reste toujours très problématique en termes d’animation, notamment à cause de sa nature réflective. L’eau, en effet, fonctionne à la manière d’un miroir, elle peut prendre n’importe quelle couleur de l’arc-en-ciel en fonction des situations et reste très difficile à concevoir en termes d’éclairage. Humainement parlant, le personnage de Flack a d’ailleurs été conçu à la manière d’un personnage-miroir. C’est-à-dire qu’il n’est pas là pour dispenser ses conseils ou de petites leçons de vie, mais bien pour renvoyer à Flam le reflet de ce qu’elle est vraiment.
Element City fonctionne vraiment à la manière d’un personnage à part entière dans le film. Son design semble clairement influencé par celui de grandes villes entourées d’eau comme New York, Venise ou Amsterdam. Quelles ont été les autres sources d’inspiration pour cette ville assez unique en son genre?
On s’est intéressés à des questions d’architecture un peu partout dans le monde. Et en particulier des questions relatives à des villes portuaires et à la manière dont elles ont été conçues pour accueillir des immigrants. En ce sens, New York a vraiment été une source d’inspiration décisive. Mais nous avons aussi passé beaucoup de temps à observer des buildings que l’on trouvait visuellement emblématiques et séduisants, que ce soit du côté du Brésil ou du Moyen-Orient. Durant la pandémie, j’ai passé des heures et des heures sur YouTube à observer la manière dont les villes réfléchissent la lumière et la façon dont elles peuvent être modelées parfois par l’élément aquatique. L’idée était également d’avoir différents quartiers reflétant différentes atmosphères afin de traduire les humeurs changeantes qui pavent la quête identitaire de Flam. À l’arrivée, on traverse dans le film des endroits vraiment très variés. C’était un sacré défi visuellement parlant.
Aviez-vous des références cinématographiques en tête au moment d’élaborer l’univers visuel du film?
Plein. Il suffit de penser à la scène de l’arrivée à Ellis Island dans le deuxième Parrain de Coppola, par exemple… Ou à La Cité des enfants perdus de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. Voire même à Amélie Poulain, parfois, pour le traitement presque carte postale de la ville que je trouve conceptuellement très intéressant. Mais les références cinématographiques ont aussi nourri l’univers thématique du film. Je pense à la romance entre Nicolas Cage et Cher dans Moonstruck, par exemple. Ou même à des films comme Guess Who’s Coming to Dinner ou My Big Fat Greek Wedding.
Notre critique d’Elemental ***
De Peter Sohn. Sortie: 21/06.
Au cœur d’une véritable ville-monde où cohabitent dans une harmonie toute relative les quatre éléments, Flam, fille d’immigrants dont elle est appelée à reprendre le magasin familial, possède un tempérament de feu qu’elle peine à contenir. Sa rencontre avec Flack, garçon sympathique et sensible au naturel plutôt coulant, va lui apprendre à poser un regard différent sur l’existence et les possibilités que celle-ci a à offrir, au risque hélas de s’aliéner l’affection de son père, du genre peu conciliant… Vingt-septième long métrage d’animation des studios Pixar, Elemental déborde de jeux de mots et de chouettes trouvailles visuelles en lien avec la nature spécifique de chacun de ses personnages. Mais, très vite, le film semble peu disposé à sortir des rails d’une fable assez prévisible sur la différence et la tolérance, qui donne le sentiment de ne pas tout à fait aller au bout de son concept.
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