Titre - DogMan
Genre - Thriller
Réalisateur-trice - Luc Besson
Casting - Caleb Landry Jones, Jojo T. Gibbs
Sortie - En salles
Durée - 1h54
Critique - Jean-François Pluijgers
Caleb Landry Jones livre une prestation stupéfiante devant la caméra de Luc Besson sous les traits de DogMan. Un thriller sombre et étrange, décrypté par le réalisateur et le comédien.
Il y avait certes le précédent Le Cinquième Élément qui, boosté par la présence d’un Bruce Willis alors au faîte de sa gloire, avait été présenté en ouverture à Cannes en 1997. Pour autant, jamais un film de Luc Besson n’avait eu les honneurs de la compétition d’un grand festival international. Quarante ans après ses débuts avec Le Dernier Combat, c’est aujourd’hui chose faite grâce à DogMan, sélectionné à Venise. Un film où le réalisateur des Nikita, Léon ou autre Lucy, sans aller jusqu’à modifier radicalement son style, n’en renouvelle pas moins sensiblement la formule ayant fait son succès. Il y retrace le parcours de Douglas Munrow, alias DogMan, un enfant-martyr qui, ayant échappé meurtri à son environnement toxique, va trouver le salut auprès de ses chiens, dont il préfère la compagnie à celle des hommes, pour se muer en vengeur et en drag queen. Un itinéraire chahuté -chienne de vie- dont Besson relève la noirceur d’étrangeté, tandis que Caleb Landry Jones y apporte une intensité peu banale.
C’est, du reste, ensemble qu’on les retrouve au lendemain de la projection officielle, le cinéaste convenant fort justement que son film n’aurait pas été ce qu’il est sans son comédien. Et d’expliquer son choix: “Quand on voit les films de Caleb, on réalise qu’il peut jouer un tas de choses différentes, et y apporter une grande variété de couleurs. En tant que cinéaste, vous savez que vous allez pouvoir le modeler et en tirer quelque chose, parce qu’il en a les capacités. Le plus important, ensuite, c’est la personne: on ne s’engage pas dans une telle aventure avec un acteur, mais avec un individu avant tout. N’essayez pas de traverser l’Atlantique en bateau avec un type que vous ne connaissez pas. On a commencé par se renifler l’un l’autre, comme deux chiens, on s’est rencontrés quelques fois, nous avons bu des coups et discuté de la vie pour nous assurer que nous venions de la même planète. Et nous avons découvert que Coulommiers, en Normandie, et le Texas, étaient en fait fort proches.”
Effet boule de neige
Des performances hors norme et/ou borderline, Landry Jones en avait déjà signé quelques-unes. On l’avait ainsi vu en vendeur de virus ayant infecté des célébrités dans Antiviral de Brandon Cronenberg; en loueur d’espace publicitaire défenestré par Sam Rockwell dans Three Billboards de Martin McDonagh; ou encore sous les traits de Nitram, le tueur de masse australien, dans le film éponyme de Justin Kurzel. Galerie de personnages à laquelle il convient aujourd’hui d’ajouter DogMan, individu traumatisé et psychopathe en devenir arborant, le plus clair de son temps, un look de Marilyn défraîchie, et se piquant d’apprécier aussi bien Shakespeare qu’Édith Piaf. “Ce qui m’a sans doute le plus effrayé, c’est de devoir apprendre une chanson française en ne parlant pas du tout la langue, observe-t-il. Mais tout était assez intimidant en fait, je ne savais pas par où commencer. Et donc, j’ai procédé morceau par morceau, Luc m’a donné des choses pour me nourrir, le scénario pour commencer. Les éléments se sont additionnés, la boule de neige a grossi, puis nous l’avons poussée pour qu’elle dévale la colline…”
Méthode empirique voisine de celle adoptée par Luc Besson pour écrire le film. DogMan, le cinéaste en a eu l’idée après avoir découvert un article relatant l’histoire d’une famille française qui avait enfermé son enfant de 5 ans dans une cage avec des chiens. La suite, de la transposition du récit aux États-Unis à ses détours les plus extravagants ou tordus, coulera pratiquement de source: “Depuis mes 16 ans, je travaille tous les matins, j’écris. J’ai été happé par cet article, je ne pouvais pas y croire. Je me suis demandé ce qui pouvait être arrivé à ce garçon et je me suis lancé. Si on est dans une bonne énergie, on trouve des idées, dont on se dit qu’elles pourraient être amusantes. Vous arrivez à un stade où Marilyn Monroe se retrouve dans une chaise roulante, en train de se battre avec des chiens contre des Mexicains, et vous vous dites que c’est peut-être “too much”. Vous laissez donc décanter, avant d’y revenir, en vous disant: “à moins que…”. C’est comme faire la cuisine: on essaie, on ajoute des ingrédients auxquels on n’avait pas pensé…”
Pour un résultat incontestablement relevé, à défaut d’être toujours d’un goût exquis. Si la prestation de Caleb Landry Jones en constitue la pâte, la contribution des quelque 70 chiens mobilisés pour le tournage serait, en quelque sorte, la cerise sur le gâteau. “On ne peut rien imposer, il faut suivre le mouvement, précise Luc Besson. Un marin ayant 30 ans de métier doit composer avec la mer, c’est elle la maîtresse: le vent peut venir d’un côté, tourner… Idem sur le plateau: les chiens, il faut faire avec.” Et d’étayer son propos d’un exemple: “Voyez la scène où Caleb leur lit Shakespeare. Les chiens, après quelques semaines, vous avez compris qu’à 7 heures du matin, ils débordent d’énergie, et sont excités comme des puces. On a donc tourné cette scène à 18 heures, après les avoir envoyés pendant deux heures au parc. Ils en sont revenus essoufflés, et puis, soudainement, il y a la voix de Caleb, et ils écoutent, parce que j’avais dit à leurs entraîneurs de se taire, alors qu’en général, ils n’arrêtent pas de leur parler. Et certains ont commencé à écouter. Ça me rappelle le tournage du Grand Bleu: nous avions un hydrophone, et nous avons voulu faire écouter de la musique aux dauphins. Nous avons passé différents morceaux pour voir leurs réactions. Sur Michael Jackson, ils se sont enfuis, mais par contre, quand on passait du Mozart, ils venaient tous. Je ne sais pas si les chiens ont réagi à Shakespeare, mais ils ont répondu à la voix de Caleb…”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici