Avec Highest 2 Lowest, Spike Lee livre un remix contemporain de High and Low d’Akira Kurosawa. Sporadiquement sauvée par l’inimitable énergie de Big Apple, sa reprise du chef-d’œuvre du maître japonais semble étrangement datée.
«Spike Lee retrouve Denzel Washington et adapte Kurosawa»: il fut une époque où cette assertion aurait créé l’événement. Mais les temps changent, et Highest 2 Lowest, montré prudemment hors compétition au Festival de Cannes, a tout juste connu une brève sortie en salle aux Etats-Unis avant de débarquer en Europe directement sur Apple TV+. Il faut dire que le cinéaste new-yorkais se prend les pieds dans le tapis avec ce projet monstre…
David King est un magnat de la musique, à la tête de Stackin’ Hit Records, qui a contribué à mettre en lumière une ribambelle d’artistes noirs américains. Mais l’industrie est en pleine mutation, et alors qu’il est engagé dans des négociations complexes pour garder le contrôle de son empire, il reçoit un coup de fil qui change tout: son fils a été kidnappé. Sauf qu’il y a erreur sur le rejeton, c’est en réalité celui de son ami et chauffeur qui a été enlevé. David sera-t-il prêt malgré tout à payer la colossale rançon demandée par le ravisseur, au risque de mettre en péril l’avenir de son entreprise et de sa famille?
Spike Lee partait pourtant avec un atout dans sa manche: le film de Kurosawa, sorti en 1963, était une adaptation du livre du romancier américain Ed McBain, Rançon sur un thème mineur, qui se passait (presque) à New York. On pouvait donc rêver d’un retour aux origines du texte. Dans sa meilleure scène, le film offre une lecture explosive de l’énergie de la grande ville, sublimée par le sens du rythme et du découpage de Spike Lee. Sa relecture de cette poursuite d’anthologie, dans un wagon du métro au rythme effréné de la musique d’Eddie Palmieri, figure latino-américaine culte, au cœur des festivités du Puerto Rico National Day, tient en partie les promesses que le reste du film peine à approcher. Il faut dire que le recours à cette musique intradiégétique «sauve» le spectateur de la pénible bande originale qui inonde toute la première partie du film, huis clos qui se voudrait hanté par le dilemme moral rencontré par King: payer ou pas la rançon.
Tout droit sortie d’un ascenseur des années 1980, la bande sonore fait ressortir tout à la fois la grandiloquence du jeu, l’artificialité des dialogues et la faible caractérisation des personnages. Si elle disparaît (un peu) dans la deuxième partie, elle contribue néanmoins à donner une facture passéiste au film dans sa forme, faisant écho au fond. Car David King est face à un autre dilemme: faire la musique que les gens achètent (du rap, pour faire vite, représenté dans le film par le «méchant»), ou celle qu’il aime (du jazz bien lisse)? Ajoutons que Spike Lee abandonne la question de la classe qui était au cœur du film de Kurosawa, pour adresser celle, incontournable aujourd’hui, de la race aux Etats-Unis, sans pour autant vraiment la mettre en tension. Finalement, malgré une ou deux scènes électriques, Highest 2 Lowest est un remix au mieux dispensable, au pire indigeste de son modèle.
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Highest 2 Lowest de Spike Lee
APPLE TV+
Avec Denzel Washington, Jeffrey Wright, A$AP Rocky. 2h13. A partir du 5 septembre.
La cote de Focus: 1,5/5